La bataille des imaginaires est-elle lancée ? C’est en tout cas le nouveau chantier que vient de lancer la Convention des entreprises pour le climat (CEC). Lancée en septembre 2021 dans le sillage de la Convention citoyenne pour le climat, cette association vise à “rendre irrésistible la bascule de l’économie extractive vers l’économie régénérative avant 2030“. Après avoir publié des feuilles de route secteur par secteur, la CEC a lancé des parcours thématiques sur le conseil et la finance. Mais le nouvel arrivé a de quoi créer la surprise puisqu’il s’agit d’un parcours sur les nouveaux imaginaires. Objectif : “amplifier les récits évocateurs d’un monde durable et désirable, et déclencher la bascule culturelle”.
Netflix, Leroy Merlin, Bayard, Ubisoft… des dizaines de dirigeants d’entreprises des médias, des agences, des annonceurs, des maisons d’éditions, des sociétés de production… ont déjà confirmé leur présence. “Nos modes de vies sont liés aux récits qu’on nous raconte, aux imaginaires qu’ils véhiculent : notre bonheur serait ainsi très associé à la surconsommation, à l’abondance, la possession. Tant qu’on n’aura pas déconstruit cela, nos efforts seront limités”, explique à Novethic Héloïse Lauret, co-pilote du parcours Nouveaux imaginaires.
“Il est important de montrer qu’il y a de l’espérance”
Concrètement, à partir d’avril 2024 jusqu’en janvier 2025, les dirigeants des entreprises sélectionnées vont se réunir en 6 sessions de deux jours pour aboutir à des feuilles de route et des “projets coopératifs permettant de créer les conditions d’un véritable changement”. Le groupe Bayard, à la fois groupe de presse et maison d’édition pour ne citer que ces deux activités, est au cœur du sujet. “Tout ce que nous raconte le GIEC sur l’évolution du climat, le monde qui se réchauffe, la pauvreté, les flux migratoires, toute la destruction du monde qui nous attend est terrible”, avance la directrice générale de Bayard, Florence Guemy. “Ce qui existe ce sont des dystopies sur ce monde d’après. Or il y a matière à agir, il est important de montrer qu’il y a de l’espérance”.
Dans cette perspective, la journaliste et réalisatrice Valérie Zoydo, en partenariat avec l’Agence de la transition écologique (Ademe), a lancé l’année dernière une Assemblée citoyenne des imaginaires dans le but de “produire une œuvre culturelle populaire (…) qui soit à la hauteur des grands enjeux de notre époque”. Car le secteur du divertissement est une des clés pour faire évoluer les imaginaires dominants. Une étude de l’Ademe et de l’ONG Place to B avait d’ailleurs montré que les genres postapocalyptique et dystopique provoquaient un sentiment d’impuissance chez les spectateurs alors que les émotions comme la combativité et l’espoir étaient générateurs d’engagement. En ce sens, la présence de Netflix, diffuseur en masse, semble ainsi nécessaire. Mais pose aussi question.
Netflix ou pas ?
Si la plateforme se positionne de plus en plus sur les thèmes environnementaux avec des documentaires salués comme la Sagesse de la pieuvre ou Notre planète, elle pousse cependant à la surconsommation frénétique. Comment, à travers le “binge-watching” notamment, Netflix peut-il légitimement s’inscrire dans ces nouveaux récits appelant à une sobriété heureuse ? “Un acteur comme Netflix, diffuseur en masse, a un poids énorme à jouer sur l’émergence d’imaginaires”, défend Héloïse Lauret. “On est heureux qu’ils rentrent dans le parcours car la présence d’acteurs aussi influents est nécessaire pour faire bouger tout un écosystème. Charge à nous de créer les conditions pour que le déclic se fasse pour chacun en fonction de leur niveau de maturité sur le sujet. On avance en marchant, les uns font bouger les autres”.
Et c’est justement ce qu’est venu chercher Nicolas Soussan, directeur associé de l’agence de relations publiques La Nestcouade : l’échange avec tout un écosystème, des agences de relations presse aux annonceurs en passant par les producteurs. “On casse un peu l’inertie du corporatisme, quand vous discutez uniquement avec vos pairs vous tournez en rond, vous ne voyez qu’une partie de cette chaine, et vous défendez surtout vos intérêts économiques”, critique-t-il.
En attendant le lancement officiel, l’appel à candidatures est toujours ouvert. Au total, plus de 120 participants issus de 60 organisations sont attendus. La première session intitulée “Vivre le dépassement” débutera le 23 avril prochain.