Publié le 26 janvier 2024

“Ré-enchanter” la décroissance à partir d’œuvres de la pop-culture, des mangas aux animés en passant par les séries et les films. Voilà la condition préalable, selon Gabriel Malek, co-fondateur d’Alter Kapitae, pour l’adhésion du plus grand nombre à une société bas-carbone. Car derrière les rapports du Giec et les données scientifiques indispensables, il faut créer de nouveaux imaginaires, dit-il.

Quel serait votre vœu pour 2024 ?


Gabriel Malek – Je pense qu’il faut sortir du grand récit néolibéral qui place la croissance comme étant un préalable obligatoire à la transition énergétique, qui dit que le bonheur repose sur la consommation aveugle et illimitée. Pour en sortir, la critique est nécessaire mais elle n’est pas suffisante. Il faut aussi proposer de nouveaux récits collectifs populaires, qui parlent à tout le monde et ringardise le capitalisme. 
Aujourd’hui ces nouveaux récits s’appuient sur des données scientifiques, les rapports du GIEC, mais il faut les dépasser. L’accumulation de chiffres est importante, cruciale mais elle ne permet pas forcément de toucher de nouveaux publics. Pour ça, il faut réussir à casser les codes dans la manière dont les écologistes vont parler d’écologie radicale pour aller toucher les gens dans leur quotidien. Il faut faire appel aux néo-imaginaires avec la pop-culture, qui est souvent méprisée et voir comment cette pop culture peut nous parler d’écologie, peut nous parler de répartition des richesses etc.

En quoi la pop-culture peut être un déclencheur ?


Elle touche une grande part de la population. Quand le pass culture a été mis en place, il y a eu énormément de mangas qui ont été achetés par les jeunes générations. Or il y a eu toute une critique des politiques disant que c’était ridicule. Je pense qu’il faut sortir de ce mépris qui voit les mangas, les animés… comme une sorte de sous culture pour les jeunes. Il faut les considérer très sérieusement car contrairement à ce qui est dit, ils véhiculent des valeurs très fortes et construisent les imaginaires d’aujourd’hui et de demain.
Les mangas nous parlent des inégalités, des processus de changement révolutionnaire quand Fight Club critique le modèle consumériste et la série The Office celle de l’Amérique corporate et du bureau capitaliste. Je pense qu’il faut partir de ces œuvres pour essayer de ré-enchanter la décroissance.

Qu’est-ce qui freine aujourd’hui l’émergence de nouveaux récits ?


On peut prendre l’exemple de la publicité de l’Ademe (Agence de la transition écologique, NDR) pour mieux comprendre. L’agence a diffusé une publicité mettant en avant un dévendeur dont le rôle était de sortir d’une vision du bonheur consumériste pour interroger l’utilité de l’achat. Ce qui est intéressant c’est la réaction des représentations des commerces. Alors qu’on nous diffuse des dizaines de milliers de publicités marchandes toute la semaine, une seule publicité fait paniquer. Leur modèle de vente est si fragile que cela ? La levée de boucliers de ces lobbys est un frein.
Je pense par ailleurs que pour porter de nouveaux récits, on pourrait créer des sortes de conventions citoyennes des imaginaires pour sortir des réunions ou conférences trop descendantes. Il serait intéressant que, par territoire, les gens puissent s’exprimer, mettre en place un processus collectif. Cela permettrait d’enrichir la pensée écologique.

Propos recueillis par Marina Fabre Soundron

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