Publié le 11 mars 2024

Manifestation devant le siège de Safran ce 11 mars pour demander un embargo sur les ventes d’armes à Israël. La défense devient un sujet très politique. D’un côté les sénateurs républicains viennent de voter un projet de loi sur le financement de la défense par l’épargne des Français, de l’autre LFI s’associe aux demandes de révision du Traité d’association UE-Israël. Le sujet s’invite dans la campagne des élections européennes.

La défense a longtemps été un secteur plutôt exclu par l’investissement responsable, en particulier en Europe du Nord et en Allemagne. Du coup Thales, Airbus, Dassault Aviations ou Safran sont peu présents dans les portefeuilles des investisseurs qui intègrent des critères environnementaux, sociétaux et de gouvernance (ESG). Mais la guerre en Ukraine a ramené ce secteur au premier plan.

Les parlementaires veulent faire participer les Français à l’effort de guerre en mobilisant une partie de leur épargne placée dans les livrets A et de Développement Durable et Solidaire (LDSS) sur l’industrie de la défense française. Après deux refus des premières propositions par le Conseil constitutionnel, le Sénat a adopté, le 6 mars, une proposition de loi visant à affecter une partie des ressources de ces livrets à la défense. Le texte précise que cela doit se faire “sans que cela affecte le financement de la transition énergétique et de l’économie sociale et solidaire” qui sont leur vocation. L’idée est loin de faire l’unanimité puisque 54% des Français s’y déclarent opposés selon un sondage Yougo réalisé pour Moneyvox et que le gouvernement manque d’enthousiasme. Olivia Gregoire, la Ministre dédiée aux entreprises, a annoncé vouloir réunir, à l’été, acteurs financiers et industriels de la défense pour trouver des solutions innovantes sur le financement du secteur.

Violation des droits humains

En attendant les entreprises de la défense font face à de nouvelles controverses liées à un autre conflit, celui mené par Israël. Le collectif “Arrêtez d’armer Israël” a manifesté ce matin devant le siège social de Safran à Malakoff pour dénoncer les ventes d’armes au pays qui pilonne Gaza. Il appelle à un embargo global. A titre indicatif, la France a vendu depuis dix ans du matériel militaire à Israël pour un montant de 208 millions d’euros, selon le rapport annuel sur les exportations d’armes du ministère des armées de juillet 2023. C’est peu comparativement aux 113 milliards d’euros d’exportations d’armes françaises dont les premiers destinataires sont les Emirats Arabes Unis, l’Egypte et le Qatar. Mais il est intéressant de noter qu’un tribunal néerlandais a ordonné, le 12 février dernier, aux Pays-Bas d’arrêter la livraison de pièces pour les avions de chasse américains F35 à Israël afin qu’elles ne “soient pas associées à des violations de droits humains”.

Cette mise à l’index est redoutée par les entreprises du secteur de l’armement qui sont régulièrement placées sur les listes noires des grands fonds de pension scandinaves pour des raisons éthiques. Elles ne fabriquent pourtant pas ou peu d’armes les plus controversées comme les mines antipersonnel et les bombes à sous munition proscrites par des conventions internationales. En revanche d’autres, comme le phosphore blanc, peuvent être fabriquées. Thalès avait annoncé s’être désengagé de ce type de production dès 2022 pour redevenir éligible aux investissements ESG.

Phosphore blanc

Le sujet est d’autant plus sensible qu’Israël a bien utilisé du phosphore blanc dans le cadre de ses opérations déclenchées en réponse aux attaques du Hamas du 7 octobre. C’est ce qu’ont démontré les investigations d’Amnesty International.

Ces différentes violations des droits humains fondamentaux ont conduit l’Espagne et l’Irlande à demander une révision urgente du traité d’association entre l’Union Européenne et Israël. Signé en 1995, il prévoit dans son article 2 que leurs échanges “sont fondés sur le respect des droits humains et des principes démocratiques”. L’Irlande et l’Espagne ont obtenu le soutien de 80 députés européens représentant tous les partis mais majoritairement espagnols et irlandais.
La révision du Traité tout comme la suppression des ventes d’armes à Israël est un des thèmes majeurs de la campagne européenne menée par la tête de liste LFI, Manon Aubry, qui a placé en 7eme position la militante pro palestinienne Rima Hassan. Jusque-là plutôt centrée sur les colères des agriculteurs, la position sur la défense en général et la guerre d’Israël contre Gaza pourraient prendre de l’importance dans la campagne pour les élections européennes qui auront lieu le 9 juin.

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