La voiture a été le point de départ du mouvement des Gilets jaunes. Dès qu’on s’y attaque – taxe carbone, limitation de la vitesse, radars… – une partie de la population se sent assez logiquement attaquée car elle en dépend très fortement. 50 % des actifs l’utilisent ainsi quotidiennement. Pour changer les mentalités et les comportements, de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire (ESS) déploient dans les régions des solutions alternatives et innovantes pour construire une mobilité durable et inclusive et mettre peu à peu fin au règne du tout bagnole.
"La bataille n’est pas technologique mais bien culturelle", estime Bastien Sibille, président de Mobicoop, une coopérative de covoiturage qui se pose comme alternative à Blablacar, et qui compte 350 000 utilisateurs. La principale différence entre c’est que le site n’applique pas de commissions, contre 20 % en moyenne chez son principal concurrent. "Nous considérons le covoiturage comme un bien commun, il n’est pas normal que la richesse produite par les citoyens soit taxée par une entreprise privée", estime Bastien Sibille.
Cibler les publics qui n’ont pas accès au numérique
Mobicoop entend en outre cibler les publics exclus des plateformes traditionnelles de par leur situation géographique ou leur maîtrise des outils numériques. Prenons d’un côté Georges, jeune retraité prêt à co-voiturer de temps en temps pour aller en centre-ville, et Marie-Laure, 75 ans, qui ne se sent plus de prendre sa voiture mais qui n’a pas accès aux plateformes numériques. La coopérative va les mettre en lien et rassurer Marie-Laure.
"Notre objet social c’est la réduction du nombre de voitures et l’accès à tous à la mobilité. Si on réduisait le nombre de voitures de 8 % aux heures de pointe, on éliminerait les bouchons qui coûtent chaque année six milliards d’euros en temps perdu, en stress et en carburant. Le message est en train de prendre au sein des collectivités qui voient dans le covoiturage une approche sociale et écologique. Elles sont de plus en plus nombreuses à faire appel à nous pour développer cette solution localement" témoigne Bastien Sibille.
Dans la même veine, Ecov, jeune pousse de l’ESS, propose du covoiturage "spontané" aux territoires ruraux et périurbains grâce à des panneaux connectés plantés sur le bord de la route pour signaler la destination des passagers. À Ayen, petit village de Corrèze, Ecosyst’m expérimente quant à lui un covoiturage à prix réduit (5 cts/km) pour les personnes les plus fragiles via une monnaie locale à réutiliser sur le territoire.
Un frein à l’emploi
Des pôles de mobilité fleurissent aussi un peu partout. Le pionnier se situe au Havre. Il a été initié par les acteurs de l’insertion par l’activité économique qui voient dans la mobilité un véritable frein à l’emploi. "Une personne sur trois a raté une opportunité d’emploi ou refusé un poste parce qu’il n’était pas mobile, on passe à 50 % pour les publics fragiles et 65 % dans les quartiers", constate Jean-François Samson, président du directoire du Pôle mobilité du bassin d’emploi du Havre.
Constitué en SCIC (Société coopérative d’intérêt collectif), il réunit autour de la table tous les acteurs de la mobilité (collectivités locales, structures d’insertion, Pôle emploi, entreprises…). 1 200 personnes sont accompagnées chaque année. Elles bénéficient d’un bilan de mobilité et de divers outils tels que l’apprentissage aux transports en commun ou à la pratique du vélo, mais aussi l’accès à une auto-école sociale ou à des garages solidaires, à la location de voitures, scooters de vélos électriques.
"La crise des Gilets jaunes peut être une occasion de remobiliser les gens sur l’intérêt général et réinterroger notre modèle de développement, soutient Jean-François Samson. La réponse ne consiste pas à distribuer du carburant gratuit à tous mais d’aller vers plus de sobriété. On espère que ce qui ressortira du Grand débat c’est de miser davantage sur l’ESS. On est traités comme la cerise sur le gâteau alors qu’on pourrait être une partie de la recette…"
Concepcion Alvarez, @conce1
Publié le 30 mai 2022
Covoiturage coopératif et solidaire, stage de vélo, apprentissage à l'usage des transports en commun, garages solidaires, auto-écoles sociales,… Des alternatives au règne du tout bagnole se développent un peu partout en région avec à la manette les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ils entendent ainsi répondre aux demandes des Gilets jaunes et peser dans le Grand débat alors que les premières mesures sont attendues pour la mi-avril.
Découvrir gratuitement
l'univers Novethic
- 2 newsletters hebdomadaires
- Alertes quotidiennes
- Etudes