Publié le 23 janvier 2024
Pour Marine Calmet, le droit français doit évoluer. À travers l'association Wild Legal qu'elle préside, la juriste militante fait entendre la voix du vivant et de ceux qui le défendent. Son voeu pour 2024 reflète son combat : "que les droits de la nature soient reconnus en France". Les graines, déjà plantées, augurent de belles avancées.

Quel est votre vœu en tant que juriste et présidente de l’association Wild Legal ? 


Marine Calmet : Mon vœu pour 2024 est que les droits de la nature soient reconnus en France et que cela amorce un véritable tournant juridique pour une cohabitation saine et pérenne entre les humains et la communauté des vivants. Aujourd’hui, nous considérons les êtres vivants comme des ressources, des marchés ou des services. Or nous devons reconnaître qu’ils ont un droit fondamental à l’existence, à la santé et à l’intégrité physique et corporelle.


Il ne s’agit pas de mettre un terme à toutes les activités qui impactent la nature. En revanche, il s’agit de rétablir une cohabitation équilibrée et de reconnaître que la nature a, elle aussi, des droits propres. Cela peut permettre d’empêcher des actions incompatibles avec les besoins essentiels du vivant. Les droits de la nature, reconnus depuis 2008 en Équateur, ont conduit par exemple à l’annulation de permis miniers délivrés par l’État.


Comment peut-on faire reconnaître les droits de la nature ?


M. C. : Plusieurs voies existent. En Équateur, les citoyens ont voté, par référendum, l’intégration des droits de la nature dans la constitution. Le vote de lois au Parlement peut aussi fonctionner, à l’image de l’Espagne qui a voté pour reconnaître une personnalité juridique à la lagune Mar Manor. Enfin, cela peut passer par la jurisprudence, autrement dit lorsque le juge adopte une nouvelle lecture du droit existant. Cela a été le cas en Colombie à propos du fleuve Atrato. Le juge a considéré que la protection des habitants passe par la protection des droits du fleuve. 


En revanche, l’inscription dans le droit ne suffit pas. Ces trois voies sont indissociables d’une vraie prise de conscience dans la société. Partout dans le monde, des associations se mobilisent parce qu’elles constatent des dégradations environnementales qui menacent les citoyens et leur milieu de vie. Dans certains cas, ces collectifs finissent par être reconnus comme des représentants de la nature aux yeux des gouvernements. Au Bengladesh par exemple, une commission citoyenne est gardienne du droit des rivières.


Quels projets voulez-vous voir se réaliser en 2024 ? 


M. C. : J’espère des avancées en 2024 pour le fleuve Garonne, un projet qui avance bien, tout comme les fleuves de Corse, une collectivité pionnière sur le sujet. Ils travaillent sur diverses propositions juridiques et repensent la gouvernance à l’échelle des bassins versants pour associer des gardiens et gardiennes qui seraient le visage humain de ces fleuves.


J’attends aussi le verdict de l’assignation en justice de l’État à propos du fleuve Maroni en Guyane. Ses droits ont été bafoués car la France n’a pas su le protéger face aux activités minières illégales. J’espère que le juge va saisir l’ampleur de la problématique et avoir le courage de proposer une lecture novatrice du droit actuel et notamment de la charte de l’environnement. Cela permettrait de protéger les droits de chacun, humain ou non humain, à vivre dans un environnement sain. 
Propos recueillis par Fanny Breuneval
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