Publié le 15 décembre 2023
L’intégration du secteur financier à la future directive CSDDD qui va instaurer un devoir de vigilance européen pour les entreprises sur toute leur chaîne de sous-traitance, a fait l’objet d’un intense lobbying. Le texte issu de la négociation entre les trois instances de décision de l’Union lui a réservé une place à part. Elles devront faire des diligences mais seulement en interne. Les services fournis aux clients, investissements, prêts et assurances, sont exclus. Cela aura donc une portée limitée sur la mise en responsabilité de violation indirecte des droits humains, dont le Soudan est un cas exemplaire.

Les banques et les investisseurs sont-ils responsables des violations des droits humains commises par les entreprises qu’ils financent ? Ce n’est pas une question théorique puisqu’elle est directement liée à l’intense lobbying mené par tout le secteur pour être exclu du champ du devoir de vigilance européen. Le texte de compromis sorti le 14 décembre prévoit bien que les services financiers ne soient pas concernés.


Pour les ONG comme Sherpa qui s’appuient sur ce dispositif, “c’est incompréhensible alors que ces services sont couverts par la loi française sur le devoir de vigilance qui a conduit à poursuivre BNP Paribas dans deux actions en justice sur ce fondement“. Elles estiment, par ailleurs, que “dans le reste de l’UE, cette exclusion pourrait permettre aux acteurs financiers de continuer à soutenir des projets et entreprises dangereux pour l’environnement et les droits humains sans avoir à rendre de compte“. 

Global Witness cible une soixantaine d’établissements financiers

Leur position fait écho à un rapport de l’ONG Global Witness, sorti en novembre, qui accuse une soixantaine de banques et d’investisseurs européens dont Allianz et Deutsche Bank, de complicité avec les crimes de guerre commis au Soudan. Leurs investigations concernent des financements de 700 millions d’euros accordés aux entreprises pétrolières Petronas et CNPC, qui détiennent des joint-ventures avec le gouvernement soudanais. Elles font d’elles les principaux pourvoyeurs de capitaux d’un régime miliaire qui, depuis dix ans, commet des exactions gravissimes de toute nature sur la population. 

Global Witness met l’accent sur les contradictions manifestes entre les politiques des droits humains des acteurs financiers comme Deutsche Bank qui assure “vouloir prévenir et réparer les violations de droits humains qui sont liés à ses opérations, à ses produits ou ses services“. Allianz de son côté précise “avoir mis en place une liste d’alerte sur les pays sensibles où les violations systématiques des droits humains sont signalées et adopter des lignes de conduite adaptées“. 

Le paradoxe des politiques ESG

Pour Aurélie Skrobik, responsable de campagne de Global Witness, “ces entreprises financent des entreprises qui commettent des violations très graves des droits humains et elles ne font rien d’autre que de les regarder faire en encaissant leurs retours sur investissements“. Deutsche Bank comme Allianz considèrent qu’elles ont des politiques ESG solides et refusent de prendre en compte les accusations de Global Witness assurant ne pas vouloir être confondues avec leurs filiales d’asset management. C’est particulièrement important pour Deutsche Bank dont la société de gestion DWS est à l’origine du plus grand scandale de finance durable.

Toutes ces accusations expliquent certainement pourquoi les institutions financières se sont données beaucoup de mal pour échapper à la menace que constitue cette interprétation du devoir de vigilance. Concernant le Soudan, tous ont en tête le cas BNP Paribas qui a payé très cher son association aux exactions soudanaises il y a une dizaine d’années. ■

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