Les acteurs de la finance durable n’ont pas chômé en 2023. L’entrée en vigueur de la CSRD et de ses standards de reporting ESG a agité toute la sphère des entreprises européennes et mondiales, la réforme du label ISR a bouleversé le monde de la gestion d’actifs français, la COP28 a entraîné de nouveaux engagements de la part des banques, tandis que la bataille contre la finance “wokiste” a continué de prendre de l’ampleur aux États-Unis. L’année 2024 risque avant tout d’être marquée par des élections importantes, celles des députés européens début juin, qui entraîneront la nomination d’une nouvelle Commission, puis les élections présidentielles américaines au mois de novembre. Mais de nouvelles avancées sur la réglementation sont néanmoins à attendre.
Forum de Davos, la TNFD à l’honneur
Le groupe de travail de la Taskforce on nature-related financial disclosures (TNFD) est parvenu à fixer un cadre de reporting sur la biodiversité l’été dernier. Un travail de deux années dont l’objet consistait à la fois à calquer le cadre de son homologue pour le climat, la TCFD, mais aussi à intégrer toutes les différentes initiatives existantes sur la nature. Fin décembre, la TNFD a ainsi signé un accord avec l’Efrag, le groupe consultatif européen, pour assurer un alignement avec les ESRS européens. Lors du forum annuel de Davos, qui se tient du 15 au 19 janvier, la TNFD prévoit de faire une première annonce sur les entreprises qui se sont engagées à utiliser son cadre de reporting. Quelques sociétés comme GSK ou Mirova ont déjà fait connaître leur intention de s’y conformer, mais d’autres noms sont attendus.
CSRD : l’année des premières collectes de données
Cette fois, tout (ou presque) est en place. La directive est adoptée, les standards de reporting sont publiés, la loi de transposition est parue en France, des guides ont même commencé à voir le jour. Les premières entreprises concernées par la CSRD, qui sont globalement celles qui étaient déjà soumises à un reporting extra-financier en France (DPEF), vont pouvoir se lancer. Leur premier rapport n’est attendu que pour 2025, mais pendant toute l’année 2024, elles vont devoir collecter des données dans toute leur organisation et procéder à des analyses de matérialité pour savoir ce qu’elles doivent reporter. Une année particulièrement importante, qui servira sans doute de galop d’essai pour les prochaines entités à être concernées par la publication du rapport de durabilité.
Le devoir de vigilance européen enfin publié ?
Le 14 décembre dernier, le Conseil, la Commission et le Parlement européen se sont mis d’accord sur le texte de la directive sur le devoir de vigilance. Il ne s’agissait toutefois que d’un premier accord qui doit encore être adopté officiellement. Cela devrait intervenir dans le courant de l’année 2024, avant la tenue des élections européennes. La CS3D (Corporate sustainability due diligence directive) devra alors être transposée dans chaque pays européen dans les deux ans, pour être appliquée à l’issue. Les grandes entreprises européennes de plus de 500 salariés et plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires, et les entreprises non européennes de plus de 150 millions d’euros de chiffre d’affaires en Europe, seront tenues de veiller au respect des droits humains et de l’environnement dans leur chaîne de valeur.
Taxonomie : le calendrier de son application se poursuit
La taxonomie européenne est entrée en vigueur depuis un bon moment. Mais son application continue de s’échelonner dans le temps. À partir de 2024, les établissements financiers vont ainsi devoir commencer à reporter leur niveau d’alignement aux objectifs climatiques de la taxonomie. La Commission européenne a publié fin décembre un guide pour les aider à élaborer leur reporting. Ils devront également commencer à travailler sur les autres objectifs environnementaux de l’Union européenne (gestion de l’eau, pollution, économie circulaire, biodiversité), pour déterminer la part éligible de leur actif total.
Le European green bond standard entre en vigueur
Le standard européen pour les obligations vertes devrait entrer en vigueur dans le courant de l’année 2024. Début octobre, le Parlement européen a voté en faveur du texte élaboré en trilogue, suivi quelques jours plus tard par le Conseil européen. Il doit donc désormais être officiellement signé avant d’être publié au Journal officiel de l’Union européenne. Le “EuGBS” ou European Green bond standard, sera un référentiel volontaire que devront appliquer les émetteurs voulant revendiquer son appellation. Le législateur européen a choisi de mettre en cohérence son standard avec les autres législations sur la finance durable, dont la taxonomie.
Le nom des fonds vient compléter les réglementations sur la transparence
L’autorité européenne de supervision des marchés (Esma) prévoit de publier des lignes conductrices relative au nom des fonds ESG dans l’Union européenne dans le courant de l’année. La date n’est cependant pas encore très précise, car l’Esma attend la finalisation de la révision des directives AIFM et UCITS, qui doivent lui donner mandat pour développer des lignes directrices plus générales sur les dénominations trompeuses des fonds. Le superviseur européen veut donc faire d’une pierre deux coups. Concernant les fonds durables, le projet de lignes directrices veut réglementer l’utilisation de termes comme “ESG”, “Sustainability”, “transition”, “impact”, etc., en tenant compte des réglementations comme la SFDR. Au Royaume-Uni, la Financial conduct authority a choisi de faire toutes ces réglementations d’un seul bloc, en publiant en une fois ses Sustainability disclosure requirements (SDR), et la réglementation sur le nom des fonds.
Greenfin devrait faire peau neuve
Après le label ISR, le label Greenfin, qui appartient au ministère de l’Écologie, devrait lui-aussi évoluer dans le courant de l’année 2024. Le ministère a fait savoir sa volonté de rapprocher le référentiel du label de la taxonomie européenne des activités vertes. Il est donc probable que le secteur du nucléaire ne soit plus persona non gratta dans les fonds labellisés.■