Publié le 17 mai 2024

Le plus grand fonds de pension américain menace de voter contre la réélection du dirigeant d’ExxonMobil, en raison des attaques de la major contre la démocratie actionnariale. En France, TotalEnergies s’inquiète aussi des appels d’une coalition d’investisseurs à voter contre le renouvellement de Patrick Pouyanné. Les deux majors n’hésitent pas à s’en prendre aux actionnaires activistes. Chaque semaine, Novethic propose un billet LinkedIn qu’il ne fallait pas manquer.

Les relations s’enveniment entre les majors pétrolières et leurs actionnaires. Aux Etats-Unis, selon des informations du Financial Times, Calpers envisagerait de voter contre la réélection de Darren Woods, directeur général de la major, à la prochaine assemblée générale du 29 mai prochain. Une décision choc, tant le vote contre le dirigeant de l’entreprise constitue un désaveu fort de la stratégie de l’entreprise. La raison invoquée par le plus grand fonds de pension américain tient au procès intenté par Exxon contre deux de ses actionnaires, Follow This et Arjuna Capital, parce qu’ils avaient déposé une résolution climatique qui ne plaisait pas au conseil d’administration. Selon Calpers, ce procès qui intervient alors que les deux actionnaires ont retiré leur proposition de résolution, constitue une atteinte à la démocratie actionnariale.

Et le fonds de pension californien n’est pas le seul à s’inquiéter des pratiques d’ExxonMobil. Glass Lewis, l’un des grands cabinets de conseil en vote, préconise lui-aussi de voter contre un membre du conseil d’administration, à savoir Joseph Hooley, le principal administrateur indépendant du groupe. Le proxy advisor cite également le procès contre les actionnaires activistes, estimant dans Reuters qu’il s’agit de “tactiques inhabituelles et agressives“. ExxonMobil a aussitôt contre-attaqué en demandant à Glass Lewis de retirer son avis de vote en raison de possibles conflits d’intérêts. ExxonMobil dit que le proxy advisors est membre de l’Interfaith center on corporate responsability (ICCR), qui s’est prononcé dans les médias contre le procès intenté aux deux actionnaires activistes. Un argument que Glass Lewis balaie, n’étant pas un membre de plein droit de l’organisation.

“Le risque climatique est inévitable”

Ces attaques répétées de la major, si elles sont particulièrement visibles cette année, ne semblent pas surprendre les organisations habituées à dialoguer avec Exxon. Dans un billet sur LinkedIn, Laura Clark, la directrice générale de l’ONG ClientEarth rappelle que “ces actions d’Exxon viennent s’ajouter à une histoire d’obstruction – leur longue campagne de désinformation climatique est très bien documentée. Le procès est juste une des nombreuses raisons pour lesquelles les actionnaires devraient voter contre la réélection de Darren Woods“.

L’atteinte a la démocratie actionnariale est particulièrement dangereuse dans le cadre de l’épargne retraite, un investissement de long terme par essence. Ces futurs pensionnaires “s’en sortent le moins bien quand des majors pétrolières donnent la priorité aux profits de court terme par rapport à la durabilité à long terme de leurs activités, de l’économie et du climat“. Elle ajoute que “les fonds de pension comme Calpers ont le devoir fiduciaire de voter dans le meilleur intérêt de leurs épargnants. Le risque climatique est inévitable“. Elle retourne un argument souvent agité par les activistes anti-ESG, qui assurent que le devoir fiduciaire des investisseurs consiste uniquement à maximiser le rendement de l’épargne, en rappelant que le changement climatique menace justement ces rendements.

Appel aux votes

Cette bataille entre une compagnie pétrolière et ses actionnaires se retrouve aussi en France. Fin avril, TotalEnergies a rejeté une résolution déposée par une coalition d’investisseurs proposant la séparation des fonctions de président et directeur général, une décision que cette coalition, menée par la fondation suisse Ethos, a décidé de porter devant le tribunal de commerce de Nanterre.

Les investisseurs ne se découragent pas pour autant. Adoptant une stratégie d’escalade, face à des stratégies climatiques qu’ils jugent “limitées”, 16 investisseurs menés par OFI invest AM ont annoncé le 16 mai qu’ils voteraient contre la réélection des présidents de TotalEnergies, Shell et BP. La réponse de la major française ne s’est pas fait attendre, alors que son assemblée générale est prévue dans une semaine, le 24 mai. TotalEnergies a aussitôt rédigé un communiqué à l’attention de ses actionnaires qui semble montrer l’inquiétude régnant au sein du conseil d’administration. L’entreprise les incite à ne pas oublier de voter dans le contexte “d’une campagne conduite par certains activistes qui appellent notamment à voter contre le renouvellement de votre Président-directeur général, Patrick Pouyanné, et contre le renouvellement de Jacques Aschenbroich, administrateur référent“.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes