ExxonMobil voulait aller jusqu’au bout et mettre fin une bonne fois pour toutes à l’activisme de deux de ses actionnaires, Arjuna Capital et l’ONG Follow this. Mais le juge du tribunal du Texas a rejeté la plainte de la major pétrolière estimant qu’elle était devenue “sans objet“. Une fin de non-recevoir qui met un terme à une affaire à rebondissements multiples, qui a agité le monde des investisseurs responsables tant ce procès était inédit. Exxon avait en effet lancé au mois de janvier un procès contre les deux actionnaires pour faire invalider leur proposition de résolution climatique déposée pour l’assemblée générale du 29 mai. Celle-ci demandait notamment à la major de reporter sur ses émissions de scope 3.
Aux Etats-Unis, les recours pour faire retirer une résolution actionnariale passent pourtant plutôt devant la Securities and exchange commission (SEC), le régulateur financier. Mais Exxon a préféré la voie judiciaire, estimant à demi-mot que la SEC était trop favorable aux actionnaires. Premier rebondissement dans l’affaire, face au risque d’un procès coûteux, Follow This et Arjuna ont immédiatement retiré leur résolution. Sans parvenir à calmer la colère d’Exxon, résolu à en découdre contre les actionnaires activistes.
Fin des poursuites contre les actionnaires
Deuxième rebondissement, le tribunal texan a rejeté fin mai les poursuites contre Follow this, l’ONG néerlandaise ne relevant pas de sa compétence. Restait le cas Arjuna. La société de gestion, pour mettre un terme définitif aux poursuites, s’est alors expressément engagée à ne plus déposer à l’avenir de résolution climatique à l’assemblée général d’Exxon. Cet engagement la prive d’une partie de son pouvoir d’actionnaire, mais pour le pétrolier, cela ne suffit toujours pas et le procès a continué.
Dernier rebondissement, le verdict du tribunal survenu le 18 juin. Au final, le juge a donné raison à la société de gestion certifiée B-Corp. Une décision presque surprenante, les tribunaux texans n’étant pas nécessairement favorables à la finance durable. Le juge ne cache d’ailleurs pas sa position en faveur du groupe. “Bien que la Cour comprenne la difficile situation d’Exxon, ses mains sont liées par la Constitution, écrit-il dans son jugement. Exxon ne peut poursuivre Arjuna que s’il y a une “réelle controverse en cours” entre eux“.
Il s’agit donc d’une victoire pour les deux actionnaires, qui ne seront finalement pas poursuivis. As you sow, spécialiste dans l’engagement actionnarial, pense déjà à la suite. “Cette tentative pour amoindrir la démocratie actionnariale et pour faire taire les investisseurs préoccupés par le risque climatique a échoué à deux reprises, estime Andrew Behar, directeur général de l’ONG dans un communiqué. Bien qu’Exxon ait réussi à obtenir une promesse d’une organisation de ne plus soumettre à l’avenir de propositions sur le climat, rien dans ce procès n’empêche d’autres investisseurs de soulever de manière indépendante ce problème important auprès de l’entreprise“.
Une victoire en demi-teinte
Mais ne s’agit-il pas d’une victoire en demi-teinte ? Le juge texan ne ferme pas la porte à d’autres poursuites éventuelles par la major. “Comme Exxon le dit, la tendance à l’activisme actionnarial dans ce pays ne mène nulle part“, écrit le juge dans ses conclusions. Il va même jusqu’à reconnaître le rôle trop laxiste de la SEC. Il déclare ensuite que “la Cour ne peut pas conseiller Exxon sur ses droits sans un cas réel ou une controverse“, sous-entendant a contrario qu’un nouveau cas pourrait donner lieu à un jugement plus favorable.
Dans une déclaration suite au verdict, Exxon se réjouit que “le procès a mis en lumière les abus généralisés du système de dépôt de résolutions par les actionnaires“, a déclaré Darren Woods, le PDG. “La démocratie actionnariale ne sera forte que si les règles qui la gouverne le sont aussi, et qu’elles sont appliquées de manière juste et cohérente“, déclare le pétrolier. Darren Woods, le PDG de l’entreprise, s’en était déjà vertement pris à ces activistes lors de l’assemblée générale du 29 mai.