Publié le 23 janvier 2025

Faire revenir l’Etat au capital de TotalEnergies, l’une des plus importantes capitalisations boursières du CAC40, une idée farfelue ? Pas pour les sénateurs qui ont adopté à l’unanimité un amendement en ce sens dans le cadre du Projet de loi de finances 2025.

C’est un message d’unité envoyé par le Sénat. Dans le cadre des discussions sur le Projet de loi de Finances 2025, l’ensemble des bancs a adopté à l’unanimité un amendement qui vise à ce que l’Etat revienne au capital de la major pétrogazière, contre l’avis défavorable du gouvernement et de la Commission des finances. Ce texte constitue la principale recommandation du rapport d’enquête sénatoriale sur TotalEnergies, menée en 2024.

Plus précisément, il appelle à “créer un programme d’achat d’une action spécifique au capital de TotalEnergies, avec un abondement des crédits d’engagement et de paiement de 60 euros“, soit le coût approximatif d’une action. Ce dispositif permettrait à l’État, de disposer d’un “droit de regard” sur les évolutions actionnariales stratégiques de TotalEnergies et d’une plus grande information en ce qui concerne les décisions de son conseil d’administration, “sans empiéter sur les prérogatives du Conseil d’administration en matière de détermination de la stratégie de l’entreprise”. 

“Souveraineté énergétique”

Pour Yannick Jadot, sénateur EELV et rapporteur de la Commission d’enquête, il s’agit d’un enjeu de “souveraineté énergétique” et de “patriotisme économique” alors que l’actionnariat de TotalEnergies est aujourd’hui composé à environ 40% d’actionnaires nord-américains et à 55% d’actionnaires européens, un ratio qui s’est renforcé ces dernières années au profit des américains. En 13 ans, la part de capital détenue par les investisseurs nord-américains a augmenté de 13,2 points tandis que celle détenue par les investisseurs français a baissé de 7,3 points. “Une dynamique qui pourrait se poursuivre dans un contexte où les actionnaires européens, plus sensibles à l’impératif climatique, ont davantage tendance à vendre leurs titres que les actionnaires américains qui sont plutôt acheteurs“, note le texte de l’amendement.

“Dans ce contexte, qui sera nommé PDG de la major demain ? Où sera installé son siège social ?”, interroge Yannick Jadot. “Moi, je ne suis pas inquiet, je suis tétanisé. Non pas par le président Pouyanné, qui est un type remarquable et un président d’exception. Je le dis tranquillement. Sauf qu’aujourd’hui, le capital de TotalEnergies est détenu à une large majorité par des Américains”, abonde le sénateur LR Roger Karoutchi, président de la Commission d’enquête. “N’importe quel conseil d’administration à majorité américaine voudra, comme cela avait été envisagé, une cotation à New York et un transfert du siège social“, craint-il.

Pour le gouvernement, au contraire, cette mesure “n’est pas proportionnée”. “Elle envoie un signal délétère aux investisseurs internationaux qui est contraire à notre politique d’attractivité“, a expliqué en séance Marc Ferracci, le ministre chargé de l’Industrie et de l’Energie. Le président de la Commission des finances, le socialiste Claude Raynal, souligne de son côté que “le cadre juridique actuel ne permet pas de transformer en action spécifique une action du groupe TotalEnergies”, car l’entreprise “est en dehors du périmètre des sociétés dans lesquelles une action spécifique peut être instituée”.

Un amendement “symbolique”

“C’est justement cela que nous appelons à changer”, souligne l’entourage de Yannick Jadot, contacté par Novethic. “A un moment donné, il faudra peut-être revoir ce périmètre”, ajoute Roger Karoutchi. Si l’amendement parvient à être adopté par la Commission mixte paritaire, qui se tiendra le 30 janvier prochain, il y a peu de chances que le gouvernement aille plus loin.

Il restera toutefois un amendement symbolique qui montre la volonté commune, à droite comme à gauche, de reprendre la main sur certains secteurs stratégiques notamment dans l’énergie, alors que TotalEnergies est aujourd’hui l’une des plus importantes capitalisations boursières du CAC40. Pour rappel, l’État détient des actions spécifiques dans plusieurs entreprises françaises, telles que Thalès, Engie, Safran Ceramics, Nexter Systems et Aubert & Duval SAS.

Contactée par Novethic, TotalEnergies n’a pas souhaité commenter publiquement ce dossier.

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