Publié le 29 avril 2025

Alors que l’Europe a les yeux rivés sur la panne géante qui a frappé la péninsule ibérique lundi 28 avril – certains accusant au passage les énergies renouvelables  sans éléments fondés – en France, le gouvernement a acté un nouveau report de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Ce texte pourrait en outre marquer un recul de notre ambition climatique.

Ce sera donc un nouveau report. Lors d’un débat sans vote, organisé lundi 28 avril à l’Assemblée nationale, à la demande de la droite et de l’extrême droite, le Premier ministre a annoncé que le décret de Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2025-2035 ne serait finalement publié qu’“à la fin de l’été”. Ce texte, qui doit définir la feuille de route énergétique de la France, est en préparation depuis deux ans et a fait l’objet d’une ultime consultation qui s’est achevée début avril. Contrairement à la précédente PPE qui prévoyait de fermer 12 réacteurs nucléaires, il acte une relance du nucléaire. Il prévoit aussi de baisser la part des énergies fossiles de 60 à 30% d’ici 2030.

“Alors que la souveraineté énergétique de la France est une priorité renforcée face aux conflits géopolitiques et aux guerres commerciales, François Bayrou reporte la publication de la feuille de route sur l’énergie de plusieurs mois, réagit sur LinkedIn Anne Bringault, la directrice des programmes au sein du Réseau action climat. Cette publication, qui était prévue en juillet 2023, aura donc au moins deux ans de retard !!! Ce retard fait peser des menaces sur les emplois des filières d’avenir (pompes à chaleur, renouvelables, etc.).”

“Signal désastreux”

Le Syndicat des énergies renouvelables (SER) a effectivement immédiatement réagi pour contester cette décision. “Le Premier ministre envoie un signal désastreux à l’ensemble des entreprises du secteur de la transition énergétique” et “plonge l’ensemble des filières renouvelables dans une profonde incertitude, avec des conséquences très directes comme l’impossibilité par exemple de lancer le prochain appel d’offres numéro 10 sur l’éolien en mer, mettant ainsi en risque l’ensemble de la filière et son tissu industriel”, indique le Ser dans un communiqué de presse.

“L’avenir de la politique énergétique de la France ne peut pas être sacrifié à des fins politiciennes. Ce nouveau report de la publication de la PPE vise en réalité à permettre aux opposants aux énergies renouvelables de rouvrir un texte qui avait fait l’objet de très nombreux débats et concertations, et aurait permis de poursuivre sans à-coup la transition énergétique”, commente également Jules Nyssen, le président du SER, qui représente plus de 166 000 emplois en France.

Le gouvernement veut en fait attendre le vote de la proposition de loi du sénateur des Vosges Daniel Gremillet (Les Républicains), déjà adoptée au Sénat en octobre dernier, et qui doit être débattue en juin à l’Assemblée nationale. Cette loi vise notamment à définir la PPE non par décret mais par une loi. Le gouvernement a par ailleurs confié le pilotage d’un groupe de travail sur la souveraineté énergétique à deux parlementaires, le même sénateur des Vosges Daniel Gremillet et le député de Haute-Savoie Antoine Armand (Renaissance). Ce groupe de travail devra rendre ses conclusions d’ici à la fin du mois de mai. Celles-ci “permettront d’avancer dans la définition de notre politique énergétique” et “de proposer ensuite une version améliorée et corrigée de notre prochaine programmation pluriannuelle de l’énergie“, a précisé le Premier ministre à la tribune.

“Nous assumons de marcher sur nos deux jambes”

“Cela signifie, sur le fond et sur la forme, que le projet de décret PPE qui vient d’être soumis à consultation publique, est abandonné”, commente l’avocat spécialisé Arnaud Gossement. En outre le texte comporte plusieurs dispositions qui marqueraient un recul de l’ambition climatique de la France. Il prévoit “un ralentissement des énergies renouvelables et une remise en cause de l’objectif “clé de voute” de réduction de nos émissions de gaz à effet de serre. Lequel ne serait plus une obligation de résultat mais de moyen. La France n’aurait plus pour objectif celui d’une “réduction” de nos émissions de GES mais uniquement celui de “tendre vers une réduction”, précise encore Arnaud Gossement, qui a publié une note détaillée sur le sujet.

Dans l’hémicycle, le ministre de l’Industrie Marc Ferracci a tenté de recentrer le débat qui s’est résumé à trop de nucléaire pour certains et trop de renouvelables pour les autres. Il a pointé “la convergence sinon totale, du moins réunissant la quasi-intégralité des bancs, quant à la nécessité de décarboner notre économie pour sortir d’une forme de dépendance, voire de soumission, aux énergies fossiles et aux États qui la produisent et l’exportent”. Et rappelé que “le but de ce débat est de nous doter d’une programmation susceptible de nous mener vers une énergie abondante, décarbonée et compétitive”. Le gouvernement ne fait pas “le choix d’une énergie unique : nous assumons de marcher sur nos deux jambes”, le nucléaire et les énergies renouvelables, a-t-il également indiqué. Une position fustigée notamment par l’extrême-droite.

Mauvais signal de plus

Le report de la PPE est en tout cas un mauvais signal de plus, après un recul sur les objectifs concernant le photovoltaïque et une baisse des aides, dans un contexte généralisé de réduction des coûts sur le volet écologique. Mais c’est aussi une porte ouverte à une contestation de plus en plus généralisée des énergies renouvelables. L’Académie des sciences a ainsi rendu un avis très critique début avril, appelant à une baisse des objectifs d’énergies renouvelables, estimant que “l’électrification des usages paraît peu probable”.

“Ralentir sur la production renouvelable au motif que la consommation électrique ne décolle pas est un raisonnement à courte vue. Si la consommation électrique reprend, et elle doit reprendre si nous voulons atteindre nos objectifs, et que l’ajout de production n’a pas été anticipé, nous nous confronterons à une nouvelle crise”, rectifie Nicolas Goldberg, associé énergie chez Colombus Consulting et responsable du pôle énergie chez Terra Nova, dans une interview à Connaissance des énergies.

Hasard du calendrier : une coupure électrique géante a frappé lundi 28 avril la péninsule ibérique. “Alors que les causes sont inconnues, de nombreux pseudo-experts populaires sur les réseaux sociaux affirment avoir déjà trouvé le coupable : ce sont les énergies renouvelables”, fustige Nicolas Goldberg. “Ces prises de positions prématurées et orientées ne mériteraient pas d’être mentionnées si elles n’avaient pas un inquiétant succès sur les réseaux sociaux où le bashing des renouvelables semble être devenu un sport fructueux, bien que fallacieux“, ajoute-t-il. Alors que le courant est revenu ce mardi 29 avril en Espagne et au Portugal, aucune piste n’est pour l’instant privilégiée pour expliquer ce blackout.

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