Publié le 14 juin 2024

Avec la tenue des élections législatives anticipées le 30 juin et le 7 juillet, la France entre dans une période de réserve et aucun texte ne peut plus être discuté au Parlement. La planification écologique, qui souffrait déjà d’un sérieux retard, a été mise en pause, suscitant l’inquiétude des acteurs sur le terrain.

Rendez-vous avait été pris après les élections européennes. Ce jeudi 13 juin, le gouvernement devait (enfin) présenter sa nouvelle stratégie nationale bas-carbone (SNBC 3) pour la période 2024-2033. Un document clé qui fixe secteur par secteur un budget carbone, soit un niveau d’émissions de gaz à effet de serre à ne pas dépasser. La nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE 3) sur la même période devait elle aussi être mise en consultation dans le mois. Enfin, le plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC 3), dont la mise en consultation n’a cessé d’être repoussée depuis mars, devait faire l’objet d’une prise de parole de la part du Premier ministre Gabriel Attal, symbole de son attachement au sujet.

Mais ça c’était avant le choc du dimanche 9 juin. La percée du Rassemblement national aux européennes, suivie par l’annonce de la dissolution de l’Assemblée nationale par le président de la République a totalement rebattu les cartes et gelé le calendrier. “La période de réserve (liée aux futures élections législatives, ndr) n’autorise pas à mettre ces documents en consultation”, nous fait savoir l’entourage du ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu. Ni à les publier. Il faut donc désormais attendre le 7 juillet pour essayer d’imaginer l’avenir de la planification écologique. Celle-ci risquant d’être totalement bouleversée si le RN l’emportait.

Un retard qu’on va payer “cher”

“C’est grave ce qui se passe. On est dans une instabilité complète, alors qu’on a besoin de sécurité juridique et de visibilité. Et on va en payer cher le prix. Aujourd’hui, on rebat les cartes, le gouvernement futur va pouvoir refaire ses choix”, dénonce Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables (SER), qui pointe la responsabilité du gouvernement dans le fait d’avoir laissé trainer le sujet. Conformément à la loi énergie-climat de 2019, il aurait effectivement dû adopter une loi de programmation énergie-climat à l’été 2023. Mais après moults tergiversations, il y a finalement renoncé. Pour justifier cette décision, le cabinet de Roland Lescure, ministre de l’Energie, assurait qu’il s’agissait d’éviter une bataille “entre pro-ENR et pro-nucléaire” qui risquait d’aboutir à un blocage au Parlement.

Le risque apparaît aujourd’hui plus réel que jamais alors que le RN prône un arrêt de tous les projets d’énergies renouvelables. “Si on avait eu cette loi énergie-climat, les objectifs auraient été inscrits dans le marbre. Alors bien sûr, on peut toujours défaire une loi mais ça aurait été plus compliqué, poursuit Jules Nyssen. De même, la mise en consultation de la PPE aurait permis de donner un cadre. Ça aurait été mieux que rien. Car si le prochain gouvernement décide de ne rien faire, comme on est arrivé au bout de la période de la précédente PPE, il n’y aura plus de cadre du tout.” Pour les industriels et les investisseurs, cette nouvelle période d’incertitude peut donc s’avérer extrêmement dangereuse et déstructurer totalement des filières qui ont besoin d’un cap clair.

En outre, le retard pris dans l’adoption de ces textes régissant la planification écologique française a également des conséquences au niveau européen. Ils devaient en effet servir de base au plan national intégré énergie-climat, dont une mise à jour doit être remise par la France à Bruxelles avant le 30 juin. Sans attendre, la Commission européenne a envoyé en avril dernier une mise en garde à Paris pour lui notifier que les mesures prises sont insuffisantes pour atteindre les objectifs contraignants nationaux en matière d’énergie renouvelable pour 2030. La France avait deux mois pour se mettre en conformité, faute de quoi, Bruxelles pourrait geler les fonds versés aux collectivités pour le développement des énergies renouvelables.

Des impacts à l’international

D’autres textes devront également patienter à l’instar du projet de loi d’orientation agricole, attendu depuis deux ans. Adopté en première lecture fin mai, il devait arriver au Sénat en juin pour une adoption en juillet. On peut également citer la proposition de loi pour l’interdiction des PFAS, adoptée à l’Assemblée nationale et au Sénat et en attente d’un vote définitif.

Plus globalement, c’est aussi la voix de la France à l’échelle internationale qui apparaît comme vacillante. Emmanuel Macron est en Italie les 13 et 14 juin pour le sommet du G7, présidé par Giorgia Meloni, l’une des figures de l’extrême-droite européenne. Il constitue une fenêtre de tir pour que les chefs d’Etat y fassent des annonces en amont de la COP29 sur le climat de Bakou. En avril, les ministres de l’environnement s’étaient ainsi engagés à fermer leurs centrales à charbon non adossées à des systèmes de captage et stockage du CO2 avant 2035. Puis le 17 juin, le conseil Environnement de l’UE se réunira. Ce sera la dernière occasion pour pousser l’adoption définitive de la loi sur la restauration de la nature, fortement décriée par la droite et l’extrême-droite, avant le changement de présidence et de mandature. Enfin, le président de la République se rendra au Conseil européen des 27 et 28 juin, à la veille des élections législatives françaises.

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