Publié le 15 octobre 2024

Vingt ans après son lancement, que devient Enercoop ? Malgré les crises, l’entreprise fournisseur et producteur d’électricité renouvelable sur le territoire créé sous le statut de Scic, société coopérative d’intérêt collectif, tient le coup. Toute la semaine, Novethic vous propose un focus sur les pionniers qui ont bâti des modèles alternatifs et durables.

L’énergie comme bien commun. C’est ce leitmotiv qui accompagne depuis maintenant presque vingt ans la coopérative Enercoop, fournisseur d’électricité renouvelable. C’est cette conviction qui est au cœur de la naissance même de l’entreprise, en 2005, alors que le marché de l’énergie s’apprête à s’ouvrir à la concurrence. “Il était impensable de laisser l’énergie aux mains des capitalistes. Tous les débats démocratiques étaient confisqués, il fallait rendre aux citoyennes et aux citoyens leurs voix au chapitre”, résume Julien Noé, l’un des fondateurs de l’entreprise.

Frise chronologique @Enercoop

“Je travaillais à Greenpeace à cette époque-là, avec Julien Noé dans notre équipe, sur les sujets de transition énergétique, se remémore pour Novethic Frédéric Marillier, aujourd’hui directeur général d’Enercoop Auvergne-Rhône-Alpes, l’une des premières coopératives locales à voir le jour. Avec l’ouverture à la concurrence, on lui avait demandé de voir ce qui allait se passait en France. Et on a vu qu’il ne se passait rien. On a donc décidé, avec d’autres structures partenaires, de créer un fournisseur d’électricité renouvelable, ce qui était plutôt ambitieux à l’époque, voire utopique. On ne savait pas que c’était impossible alors on l’a fait”, résume-t-il.

Se réapproprier le sujet énergétique

Le projet remporte tout de suite l’adhésion de nombreux acteurs et pionniers de l’économie sociale et solidaire et du monde coopératif comme La Nef, Biocoop mais aussi d’ONG comme Les Amis de la Terre, Hespul ou le réseau Cler pour la transition énergétique qui deviennent sociétaires au projet. Enercoop est ainsi créé sous le statut de Scic, société coopérative d’intérêt collectif, un statut dont la spécifité est d’associer les différentes parties prenantes (salariés, consommateurs, collectivités, ONG…) autour d’un projet commun alliant efficacité économique, développement local et utilité sociale.

“Cela faisait partie de notre ADN de pousser les énergies renouvelables”, pointe Patrick Ribot, directeur financier de Biocoop. Mais le projet va au-delà. “Il ne s’agissait pas seulement d’être un fournisseur d’électricité renouvelable mais de rapprocher les citoyens et les acteurs locaux de la production d’électricité, complète Marie-Laure Lamy, aujourd’hui administratrice du réseau Cler, qui siège au conseil d’administration d’Enercoop. On se disait que si les Français voyaient l’impact de la production d’électricité sur nos paysages, nos territoires, ils allaient faire plus attention à leur consommation.”

Chiffres clés @Enercoop

La raison d’être de l’entreprise est ainsi de “favoriser la réappropriation de l’énergie par les citoyens, notamment à travers l’émergence de projets de production sur les territoires”. Le réseau compte aujourd’hui 11 coopératives à travers la France et bientôt 13, plus de 100 000 clients, 65 000 sociétaires, 300 salariés et 479 sites de production pour une puissance installée de 364 mégawatts, majoritairement des projets éoliens et photovoltaïques.

Un modèle résilient mais pas dominant

“On a participé à changer la vision des énergies renouvelables, à lutter contre les idées reçues, à rendre moins nébuleuse la question énergétique. C’est devenu de plus en plus concret, tout le monde peut en faire, poursuit Marie-Laure Lamy. On a fait de l’éducation populaire.” Ce qui fait la particularité d’Enercoop, c’est aussi “qu’ils sont les premiers alternatifs à avoir mis en place les contrats en direct avec les producteurs, plutôt que des garanties d’origine dont le côté vert peut parfois interroger…”, commente pour Novethic Nicolas Goldberg, expert énergie chez Colombus Consulting.

Enercoop est en effet le seul fournisseur à couvrir 100% de la consommation de ses clients par une offre “vraiment verte”, reconnue par le label Vert Volt de l’Ademe, c’est-à-dire une électricité produite en France et directement injectée dans le réseau. La grande majorité des autres fournisseurs se contente d’acheter des certificats à des producteurs européens d’énergie renouvelable (en proportion de l’électricité vendue en France) sans jamais leur acheter d’électricité. L’autre singularité d’Enercoop est de s’appuyer sur les citoyens et les collectivités. “70% des sites de production appartiennent à des collectivités ou à des citoyens, un levier important d’appropriation des projets”, constate Béatrice Delpech, directrice générale adjointe d’Enercoop.

Elle met quant à elle en avant le rôle sociétal de l’entreprise. “Nous avons co-fondé Energie Partagée (une plateforme d’accompagnement et de financement de projets de production d’énergie renouvelable portés par des collectivités territoriales et des collectifs citoyens, ndr), participé à l’alliance des Licoornes qui regroupe des coopératives engagées pour une transformation radicale de l’économie. Et la semaine dernière, nous avons participé à la naissance de Coop-médias, une Scic pour soutenir les médias indépendants“, défend Béatrice Delpech. Un modèle pionnier mais qui peine toutefois à s’imposer, en raison notamment des prix entre 15% et 20% plus élevés que chez ses concurrents. “Un juste prix, celui qui est suffisamment rémunérateur pour les producteurs locaux”, soutient l’entreprise. “On est petits oui, mais résilients. Dans 50 ans, on sera encore là”, parie Frédéric Marillier.

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