La Chine, premier pays émetteur de gaz à effet de serre, a connu une baisse inédite de ses émissions au mois de mars 2024 : -3%. C’est une première depuis que l’économie chinoise a rouvert ses portes après la levée des contrôles “zéro Covid” en décembre 2022. Dès lors, certains spécialistes s’interrogent sur un pic possible des émissions en 2023 dans le pays. Le gouvernement s’était jusqu’ici engagé à l’atteindre “avant 2030”.
Cette baisse s’explique d’une part par une hausse massive des capacités de production d’électricité solaire et éolienne. Celle-ci a couvert 90% de la croissance de la demande d’électricité en mars. D’autre part, la crise de l’immobilier et l’effondrement de la construction ont contribué à réduire les émissions dans la production d’acier de 8% et de 22% dans la production de ciment.
Attentisme
“La baisse des émissions de la Chine en mars pourrait marquer un revirement après une croissance fulgurante depuis 2020”, indique Lauri Myllyvirta , analyste principal au Centre de recherche sur l’énergie et l’air pur (CREA) dans un article publié dans Carbon Brief, fin mai. “La question clé quant à l’évolution future des émissions de la Chine est donc de savoir si la croissance des énergies propres se poursuivra”, poursuit-il.
Là-dessus les avis divergent entre les fédérations des énergies renouvelables et le gouvernement. La China Photovoltaic Industry Association (CPIA) table sur une capacité solaire totale installée comprise entre 2 200 et 2 600 gigawatts (GW) en 2030, contre 660 GW aujourd’hui. Selon l’industrie de l’énergie éolienne, la Chine doit installer plus de 50 GW de nouvelle capacité éolienne par an entre 2021 et 2025 et plus de 60 GW par an à partir de 2026. A l’inverse, les scénarios du gouvernement chinois sont bien plus modestes, de l’ordre de 100 GW par an de capacités renouvelables.
S’il existe en effet d’importants obstacles à lever notamment en termes d’infrastructures, de réseaux ou encore de stockage pour développer les énergies renouvelables, l’attentisme de la Chine est assez habituel sur les sujets climatiques. En outre, avec la tenue des élections américaines à la fin de l’année, qui risquent de voir Donald Trump revenir à la Maison-Blanche, le pays ne veut pas se positionner trop vite et apparaître comme trop ambitieux si les Etats-Unis ne suivent pas.
Le solaire connaît une croissance fulgurante
Reste que cette première baisse des émissions chinoises peut être considérée comme une bonne nouvelle. D’autant qu’elle n’est pas la seule dans la région. En Inde, la part du charbon dans la capacité énergétique totale est tombée sous la barre des 50% pour la première fois depuis les années 60. L’Inde s’est ainsi hissée au troisième rang du classement mondial de la production d’énergie solaire, derrière la Chine justement et les États-Unis.
L’énergie solaire a été la source d’électricité qui a connu la croissance la plus rapide au monde pour la 19e année consécutive, ajoutant plus de deux fois plus d’électricité nouvelle que le charbon l’année dernière. En 2023, la part de l’électricité renouvelable a ainsi dépassé les 30% dans l’électricité mondiale, contre 19% en 2000. “L’année 2023 a probablement été le point d’inflexion, marquant le pic des émissions dans le secteur de l’électricité“, estime le think tank Ember.
Même tendance du côté des investissements. Selon un nouveau rapport publié cette semaine par l’Agence internationale de l’énergie (AIE), les investissements dans la technologie solaire photovoltaïque devraient dépasser les 500 milliards de dollars en 2024, surpassant toutes les autres sources de production électrique. Plus globalement, “les investissements mondiaux dans les énergies propres devraient être presque deux fois plus importants que ceux dans les combustibles fossiles en 2024, grâce à l’amélioration des chaînes d’approvisionnement et à la baisse des coûts des technologies propres“, souligne l’AIE. Toutefois, il faut aller encore plus loin, estime l’agence, pour atteindre d’ici 2030 l’objectif mondial de triplement acté à la COP28.