Publié le 28 mai 2024

Alors que la saison des assemblées générales des actionnaires bat son plein, l’ONG Oxfam a calculé le ratio entre versement des dividendes et investissements verts. Au sein du CAC40, il apparaît que les entreprises ont versé quatre fois plus d’argent à leurs actionnaires qu’à la gestion de la crise environnementale et climatique.

Les dividendes avant le climat ? L’ONG Oxfam a calculé la part des investissements verts au sein du CAC40 et a ensuite comparé ce montant avec les dividendes versés aux actionnaires. Il apparaît qu’en moyenne, les entreprises ont versé quatre fois plus de dividendes qu’elles n’ont investi dans la transition écologique. “C’est le résultat d’un modèle économique qui les force à privilégier une rentabilité à très court-terme au détriment d’investissements dans la résilience et la durabilité”, explique Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer Climat, secteur privé et finance au sein de l’ONG et auteur principal du rapport.

En 2022, les entreprises du CAC40 (hors secteur financier) ont ainsi investi 16,8 milliards d’euros dans des secteurs alignés avec la taxonomie verte européenne, une classification des activités économiques selon leur caractère durable sur le plan environnemental, soit 11% de leurs dépenses d’investissement (Capex). Or, selon le CDP, les entreprises européennes devraient consacrer a minima 25% de leur Capex dans la transition écologique pour tenir leurs objectifs climatiques et atteindre la neutralité carbone en 2050.

Chez Danone, le ratio est de 1 pour 420

La même année, les versements de dividendes et rachats d’actions aux actionnaires du CAC40 (hors secteur financier) s’élevaient à 67,3 milliards d’euros. Soit quatre fois plus en moyenne. Dans le détail, Danone, Pernod Ricard et Carrefour ont respectivement versé 420, 41 et 22 fois plus de dividendes (et rachats d’actions) à leurs actionnaires qu’elles n’ont investi dans la transition écologique. Oxfam France avait déjà documenté par le passé que les bénéfices générés sont de plus en plus captés par les actionnaires au détriment des salariés ou de la planète. En 2022, les entreprises du CAC40 avaient ainsi versé en moyenne 76% de leurs bénéfices à leurs actionnaires. Ce chiffre s’élevait à 71% en moyenne entre 2011 et 2021.

Contacté par l’ONG, Danone explique être conscient que “des investissements significatifs sont nécessaires”. “Notre priorité absolue est de réduire nos émissions de carbone pour chacun des scopes de nos émissions directes et indirectes”, explique le géant de l’agroalimentaire. Pernord Ricard de son côté pointe le fait que “certaines initiatives de grande ampleur en faveur du développement durable ne relèvent pas nécessairement de la définition du Règlement Taxonomie” et donc que le rapport ne reflète pas “parfaitement les progrès du groupe par rapport à ses objectifs dans ce domaine”.

Vers un dividende écologique et social ?

Pour inverser la tendance, Oxfam propose de plafonner les dividendes versés aux actionnaires et de réorienter les flux vers les investissements verts. En 2022, 32% des dividendes et rachats d’actions versés aux actionnaires du CAC40 auraient ainsi suffi à couvrir leurs besoins en investissement dans la transformation écologique, a calculé l’ONG. Elle recommande également d’interdire les versements aux actionnaires lorsque l’un des objectifs suivants n’est pas atteint : salaire décent sur l’ensemble de la chaîne de valeur ; stratégie climat ambitieuse ; plan d’investissement associé.

Enfin, le rapport met en avant une pratique qui commence à émerger : la mise en place d’un dividende sociétal ou écologique pour consacrer une partie des bénéfices des entreprises à la transition écologique et sociale. Certaines entreprises montrent la voie, comme le Crédit Mutuel et la Maif qui, depuis 2023, consacrent 10 à 15% de leurs bénéfices à la transition écologique et sociale. Au sein de l’assureur, le dividende écologique devrait atteindre en cumulé plus de 10 millions d’euros cette année. Une partie de la somme est affectée à des actions de solidarité envers les sociétaires de la Maif les plus exposés au risque d’inondation. Le reste a été investi dans une quinzaine de projets de sauvegarde de la biodiversité, de restauration d’écosystèmes ou encore de transition agricole et forestière.

Du côté du Crédit Mutuel, le dividende sociétal a permis de mobiliser plus d’un milliard d’euros. “Profondément mutualistes, nous souhaitons aller au-delà de la performance économique et financière, qui reste un préalable, et investir davantage dans les transformations environnementales et sociétales aux côtés de celles et ceux qui ne sont pas suffisamment soutenus”, résume Daniel Baal, président de Crédit Mutuel Alliance Fédérale.

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