27 mai 2024. Cette date marque le jour où la Suisse a atteint son “jour du dépassement”, c’est-à-dire le moment où la population suisse a consommé autant de ressources que la biocapacité planétaire est capable d’en produire en une année. Autrement dit, si la population mondiale vivait comme les Suisses, l’humanité aurait besoin de deux planètes Terre et demie pour satisfaire ses besoins.
Une triste date que le parti suisse des Jeunes Vert·e·x·s ne souhaite plus voir figurer à l’agenda de leur pays. C’est pourquoi ce dimanche, la population helvète est appelée à se prononcer sur l’initiative populaire “Pour une économie respectant les limites planétaires”. Si le “oui” l’emporte au terme du scrutin, le pays aura dix ans pour atteindre cet objectif. Cette initiative populaire est aujourd’hui soutenue par une coalition d’ONG et par les partis politiques de gauche.
Une transition d’ampleur unique au monde
Mais que contient concrètement ce texte qui, s’il est approuvé, propose de modifier la Constitution fédérale ? Unique au monde, il propose d’encadrer les activités et le développement de l’économie suisse dans les limites biophysiques du territoire. Ainsi, “la Confédération et les cantons veilleront à ce que, au plus tard dix ans après l’acceptation de l’art. 94a par le peuple et les cantons, l’impact environnemental découlant de la consommation en Suisse ne dépasse plus les limites planétaires, rapportées à la population de la Suisse”, indique le texte examiné.
Développées en 2009 par le Stockholm Resilience Centre, les limites planétaires correspondent à neuf seuils à ne pas franchir pour ne pas compromettre notre vie sur Terre, tels que le changement climatique, l’acidification des océans, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique, la perturbation des cycles biogéochimiques de l’azote et du phosphore, l’utilisation mondiale d’eau douce, le changement d’utilisation des sols, l’érosion de la biodiversité, la pollution chimique et l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère. À l’échelle mondiale, six des neuf limites ont été franchies et une septième est en passe de l’être également.
Si l’on se concentre sur la Suisse, le pays dépasse très largement ces plafonds écologiques. Dans un rapport de Greenpeace, repéré par Timothé Parrique, “la Suisse dépasse 19 fois le seuil des limites planétaires en ce qui concerne le climat (émissions de CO2) et 3,8 fois pour la perte de biodiversité”. Et la situation ne cesse de s’aggraver, selon l’ONG, et ce, malgré l’adoption de la Loi sur la protection de l’environnement (LPE) et l’Accord de Paris.
Un vote loin d’être joué d’avance
Néanmoins, cette initiative semble quelque peu mal engagée d’après le dernier sondage Tamedia, puisqu’elle susciterait 67% de rejet. Parmi les premières raisons de ce rejet, on évoque le fait qu’elle “entraînera de nouvelles prescriptions et interdictions qui réduiront fortement la consommation, affaibliront l’économie et provoqueront un renchérissement de nombreux produits et services”, avancent le Conseil fédéral et le Parlement. Ils expliquent préférer, quant à eux, “continuer de mettre en œuvre la politique environnementale actuelle” avec l’objectif d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050.
Pour Margot Chauderna, coprésidente des Vert·e·x·s., parti à l’origine de cette initiative, “il est absurde de mettre la compétitivité avant la durabilité”. “En visant la croissance infinie, on grignote les ressources, jusqu’à ce qu’il n’y en ait plus. En Suisse, nous avons les moyens, nous sommes l’un des pays les plus riches au monde ! Nous avons tout pour être à l’avant-garde”, explique-t-elle. Un avis que partage la Convention des entreprises pour le Climat, qui prend position pour cette initiative. “Avec cette votation, nous prenons les devants et nous nous adaptons avant que ce soient les événements extérieurs qui nous l’imposent”, nous explique la présidente du comité, Constance André-Aigret, précisant que “les entreprises qui font une transition dès maintenant seront les pionnières du monde de demain”.
Néanmoins, ce texte présente quelques faiblesses. Selon l’avocat français en droit de l’environnement, Arnaud Gossement, il s’agit d’une “auberge espagnole” : “un texte dans lequel chacun peut trouver ce dont il a envie, et qui est susceptible d’interprétations multiples”. Il va même plus loin en y voyant un “recul pour le droit de l’environnement”. “Il n’est écrit nulle part que l’homme est responsable, alors qu’il s’agit d’une initiative pour la responsabilité environnementale”, souligne-t-il, regrettant finalement que ce texte ne soit qu’un “neutron”, un texte symbolique.
Mise à jour : Cette initiative a été rejetée à 69,84 %, selon le décompte officiel provisoire des autorités fédérales sur l’application VoteInfo, pour une participation de près de 38 %. Le «non» l’a emporté dans les 26 cantons que compte le pays.