Une chaleur inédite pour un mois février au Maroc. Le pays a enregistré localement des températures supérieures à 36°C, mercredi 14 février, selon les relevés des sites spécialisés Ogimet et Infoclimat. Le thermomètre affichait 36,6°C à Tan-Tan, dans le sud du pays, ce qui constitue un nouveau record national de température pour un mois de février. Selon l’organisme de suivi des phénomènes météorologiques intenses Keraunos, le précédent record remonte à 1960 avec 36,3°C dans la ville de Nouaceur.
Chaleur exceptionnelle qui atteint son paroxysme ce mercredi au #Maroc avec jusqu’à 36.6°C, soit des valeurs de plein été. La chaleur se produit à l’avant d’un thalweg Atlantique qui s’enfonce très au sud. pic.twitter.com/zSLGZMVlVz
— Keraunos (@KeraunosObs) February 14, 2024
Ailleurs dans le pays, il a également fait chaud avec près de 36,4°C au sud d’Essaouira, 36°C à Agadir, 35,6°C à Safi, 34,8°C à Casablanca. L’agroclimatologue français Serge Zaka indique qu’à minuit ce même jour, il faisait encore 30,5°C à Sidi Ifni, ville située au bord de l’océan Atlantique. Et ces pics de chaleur, depuis en plus réguliers, sont lourds de conséquences, mettant notamment en danger le secteur de l’agriculture.
Vers une sixième année de sécheresse
Or l’agriculture est l’un des piliers de l’économie marocaine. Elle représente 12% du produit intérieur brut (PIB) et pas moins de 31% des emplois. Mais comme le note sur X (anciennement Twitter) Serge Zaka, en s’appuyant sur le dernier rapport du Giec, “la désertification menace progressivement les zones agricoles du Maroc”. Le pays se dirige en effet vers une sixième année de sécheresse avec une baisse des précipitations de 67% par rapport à une année qualifiée de normale.
[2/3] D’après la rapport du GIEC, la désertification menace progressivement les zones agricoles du Maroc. Ces six dernières années de sécheresse en sont bien révélatrices. Le Maroc, tout comme l’Espagne du sud, ne pourront plus être les vergers de l’Europe d’ici 2050. pic.twitter.com/GW8B5MbOon
— Dr. Serge Zaka (Dr. Zarge) (@SergeZaka) February 14, 2024
“Nous sommes entrés dans une phase critique après cinq années consécutives de sécheresse que notre pays n’a jamais connue auparavant“, a déclaré le ministre marocain de l’Équipement et de l’Eau en décembre 2023. À la fin de l’année, les réservoirs d’eau n’étaient remplis qu’à 23,5% contre 31% à la même époque un an plus tôt. “Une situation très dangereuse” pour Nizar Baraka, notamment pour l’agriculture qui consomme 87% de l’eau dans le pays.
Une politique agricole à repenser
C’est pour cette raison que de nombreux agriculteurs, encouragés par d’importantes subventions, ont investis dans des systèmes d’irrigation localisée, à savoir au goutte-à-goutte. Cette méthode est aujourd’hui utilisée dans 7 % des surfaces agricoles, soit le double de la moyenne mondiale. Et les autorités ont également fait la part belle aux projets de désalinisation. D’ici à la fin 2027, le pays prévoit la construction de 7 stations de dessalement d’une capacité totale de 143 millions de mètres cubes par an. Il en existe actuellement 12 dans le pays d’une capacité totale de 179,3 millions de mètres cubes par an, selon les données officielles.
Mais la grande révolution agricole sera celle des semences. Pour Serge Zaka, “le Maroc, tout comme l’Espagne, ne pourront plus être les vergers de l’Europe d’ici 2050″. “En conséquence, le Maroc et l’Andalousie vont sortir progressivement de la biogéographie (aire de répartition des espèces) de nombreuses espèces”, comme l’olivier, explique t-il. Et des vergers entiers ont déjà été arrachés ces dernières années pour laisser place à des plants plus résistants à la chaleur et au stress hydrique.