Publié le 26 septembre 2024

Jusqu’ici, les entreprises pétrolières étaient poursuivies pour leur rôle dans le changement climatique, mais une plainte inédite déposée en Californie contre ExxonMobil vise cette fois sa responsabilité dans la pollution plastique. L’entreprise, qui est le plus grand producteur mondial de polymères utilisées pour fabriquer des plastiques à usage unique, est accusée de tromperies sur le recyclage et de pollution.

C’est le procès le plus important intenté à ce jour contre l’industrie plastique. Le 23 septembre, la Californie a annoncé qu’elle poursuivait ExxonMobil pour son rôle dans la pollution plastique de l’Etat et pour ses campagnes “trompeuses” sur le recyclage plastique. Le géant des hydrocarbures est aussi le plus grand producteur mondial de polymères utilisés pour fabriquer des plastiques à usage unique. Ces matériaux sont produits par ExxonMobil à partir de combustibles fossiles et sont ensuite moulés par d’autres entreprises en plastique à usage unique.

“Ce procès, le premier du genre, vise à tenir l’une des plus grandes sociétés pétrochimiques au monde responsable d’avoir induit le public en erreur sur la recyclabilité du plastique et d’avoir pollué l’environnement et les communautés de Californie”, explique le ministère de la justice californien dans un communiqué. Il allègue qu’ExxonMobil a “trompé les Californiens pendant un demi-siècle par des déclarations publiques trompeuses et un marketing astucieux promettant que le recyclage permettrait de résoudre le problème de la quantité toujours croissante de déchets plastiques qu’ExxonMobil produit”.

“L’industrie du plastique sait que les plastiques ne sont pas conçus pour être recyclés”

Après deux ans d’enquête, la plainte de 147 pages déposée par le ministère de la justice californien multiplie les preuves à l’encontre d’ExxonMobil. Par exemple, affirme le document, depuis 1970, la compagnie pétrolière, par l’intermédiaire d’une association professionnelle, a adapté et promu le symbole des trois flèches en triangle qui signifie que le produit est recyclable, mais pas forcément qu’il sera recyclé. “Les consommateurs sont amenés à croire que les articles portant ce symbole peuvent et seront recyclés lorsqu’ils sont placés dans le flux de recyclage. En réalité, seulement 5% environ des déchets plastiques américains sont recyclés, et le taux de recyclage n’a jamais dépassé 9%”, constate le ministère.

Plus récemment, poursuit la plainte, “ExxonMobil a continué de tromper le public en vantant le recyclage avancé (ou recyclage chimique) comme la solution à la crise des déchets plastiques et de la pollution“. Mais la grande majorité (92%) des déchets plastiques traités grâce à la technologie de recyclage avancé d’ExxonMobil ne deviennent pas du plastique recyclé, mais plutôt principalement des carburants. Et dans le meilleur des cas, les plastiques produits grâce au recyclage avancé d’ExxonMobil ne représenteront que moins d’un pour cent de la capacité totale de production de plastique vierge d’ExxonMobil, qui continue de croître.

“L’industrie du plastique sait depuis des décennies que, contrairement au papier, au verre et au métal, les plastiques ne sont pas conçus pour être recyclés et n’atteignent donc pas un taux de recyclage élevé”, a déclaré Judith Enck, présidente de l’ONG Beyond Plastics. Concernant le recyclage chimique, ce “n’est rien d’autre qu’un autre coup de relations publiques de l’industrie pour distraire le public et dissuader les décideurs politiques et les régulateurs de faire la seule chose qui puisse réellement enrayer la crise de la pollution plastique : adopter des politiques qui exigent la réduction de la production de plastique”, a-t-elle ajouté.

Traité mondial : dernier round

Dans un communiqué, Exxon a accusé la Californie d’être responsable d’un programme de recyclage inefficace. “Depuis des décennies, les autorités californiennes savent que leur système de recyclage n’est pas efficace. Elles n’ont pas réagi et cherchent maintenant à rejeter la faute sur les autres. Au lieu de nous poursuivre en justice, elles auraient pu travailler avec nous pour résoudre le problème et empêcher le plastique de finir dans les décharges”, a déclaré l’entreprise.

Le recyclage plastique est notamment au cœur des négociations autour d’un traité mondial contre la pollution plastique, dont le dernier round se tiendra du 25 novembre au 1er décembre à Busan en Corée du Sud. La ligne de fracture sépare d’un côté les pays qui souhaitent une limitation ambitieuse de la production primaire de plastiques et de l’autre, les pays producteurs qui préfèrent améliorer le recyclage. Cette plainte lancée contre ExxonMobil accentue en tout cas la pression sur les entreprises pétrolières. Habituellement poursuivies pour leur rôle dans le changement climatique – c’est notamment le cas d’ExxonMobil en Californie -, elles peuvent aussi désormais être attaquées sur la pollution plastique, véritable fléau mondial avec plus de 400 millions de tonnes produites chaque année, et seulement 9% recyclées.

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