Publié le 11 juin 2024

Deux ans après l’adoption de l’accord de Kunming-Montréal, la COP16 Biodiversité qui se tiendra à la fin de l’année, devra faire le bilan de l’ambition collective. Mais à ce jour, très peu de pays ont publié leurs plans biodiversité. En outre, les débats achoppent sur la questions des financements.

Les comptes sont vite faits. A moins de six mois de la COP16 Biodiversité, qui se tiendra à Cali, en Colombie, du 21 octobre au 1er novembre, seulement neuf pays, sur 196, ont remis leur copie. Dans le cadre de l’accord de Kunming-Montréal, adopté en 2022, les pays du monde entier s’étaient engagés à publier de nouveaux plans nationaux, baptisés SPANB dans le langage onusien pour “stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité”, avant la COP16. Ils doivent y expliquer comment ils atteindront les 4 objectifs et les 23 cibles de l’accord de Kunming-Montréal, dont la plus emblématique est la protection de 30% des terres et des mers d’ici 2030 ou encore la réduction de moitié des risques liés aux pesticides.

“Ce faible chiffre n’est pas surprenant parce que les SPANB prennent énormément de temps à être construits“, commente Juliette Landry, spécialiste biodiversité pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Elle a suivi les négociations de l’intersession qui se sont tenues à Nairobi au mois de mai. “C’est à la COP16 que nous pourrons voir si l’ambition collective est là même si nous savons d’ores et déjà que nous n’aurons pas tous les SPANB. Nous devrons nous contenter d’une analyse des cibles nationales“, explique-t-elle.

9 SPANB publiés sur 196

Parmi les pays à tenir les délais, il y a notamment la France, qui a présenté sa stratégie biodiversité en novembre dernier. Sur la quarantaine de mesures annoncées, il y a la mise sous protection forte de 100% des herbiers de posidonie de Méditerranée, le lancement de plus de 400 nouvelles aires protégées d’ici 2027, l’objectif de planter un milliard d’arbres et 50 000 kilomètres de haies sur la décennie ou encore de restaurer 50 000 hectares de zones humides d’ici à 2026.

Mais comme dans la plupart des quelques SPANB déjà publiés, il n’y a rien sur la réduction des subventions néfastes à la biodiversité. Carbon Brief qui a analysé les textes dans le détail, précise que seule l’Espagne a un objectif plus clair. “D’ici 2025, 50% des subventions nuisibles identifiées seront réformées, réorientées ou éliminées”, précise ainsi le pays. La grande majorité des stratégies ne mentionne pas non plus l’arrêt et l’inversion de la perte de biodiversité d’ici 2030. L’UE et certains de ses États membres, comme l’Irlande et le Luxembourg, ont fait référence à l’arrêt et à l’inversion de la perte de pollinisateurs. Le plan français affirme qu’il visera à inverser le déclin des “espèces emblématiques menacées, notamment les espèces endémiques des territoires d’outre-mer”.

“Toutes ces références sont loin d’inverser la perte de toute biodiversité. Le seul pays à mentionner explicitement cet objectif dans son SPANB était la Chine, pays hôte de la COP15”, indique Carbon Brief. Concernant les espèces envahissantes, “l’UE, la Chine et le Japon mentionnent tous des objectifs visant à réduire leur impact”. On peut enfin noter qu’un seul pays en développement (si on exclut la Chine) s’est prêté à l’exercice, l’Ouganda. “Cela est de bon augure pour la capacité du monde à tenir leur promesse. D’autres pays du monde en prendront note et emboîteront le pas”, veut croire la Convention pour la diversité biologique qui a réagi dans un communiqué.

Les financements au cœur des discussions

Au-delà de l’alignement des pays avec les objectifs de l’accord de Kunming-Montréal, c’est bien la question des financements qui a été au cœur des discussions. “Partout, tout le temps, c’est le sujet qui a pris le plus de temps et d’énergie à Nairobi“, assure Juliette Landry. “Les pays en développement notamment ont conditionné leurs actions à ces ressources”, ajoute-t-elle. A la COP15, les pays riches se sont engagés à fournir 20 milliards de dollars par an d’ici 2025, puis 30 milliards d’ici 2030, aux pays en développement. Des cibles reprises par le G7 Environnement de Turin fin avril.

L’ambition est aussi de réduire de 500 milliards de dollars les subventions néfastes à la nature. Une étude du PNUE publiée en décembre dernier, estime à 7 000 milliards de dollars les financements publics et privés qui soutiennent chaque année des activités ayant un impact négatif sur la nature et alimentant directement le changement climatique. C’est environ 30 fois le montant dépensé chaque année pour des solutions fondées sur la nature.

Une COP “en danger”

Mais là où les débats ont particulièrement été vifs, c’est sur la création d’un nouveau fonds dédié à la biodiversité au sein du Fonds mondial pour l’Environnement (FEM) d’ici 2030, “à moins que la Conférence des Parties n’en décide autrement”, précise le document adopté en 2022. “Plusieurs pays en développement particulièrement vocaux ne veulent plus attendre la création de ce fonds indépendant, d’autres veulent attendre de voir ce que ça donne et les pays donateurs veulent garder les fonds existants”, raconte Juliette Landry qui compare ces négociations à un “bateau dans la tempête”.

A cela vient s’ajouter un contexte local complexe en Colombie. Pour les conseillers municipaux de Cali, la future COP16 est “en danger” si “les attaques terroristes enregistrées dans la zone” par les dissidents de la guérilla des Farc se poursuivent. Malgré la menace latente, le gouvernement de gauche assure qu’il est fermement engagé dans la COP16, à laquelle sont attendus près de 12 000 participants et visiteurs du monde entier.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes