“On a gagné !” Au téléphone, Eric Manfredi, conseiller écologiste de Noisy-le-Grand ne cache pas sa joie. Il a été informé, la veille, mardi 12 mars, de l’abandon d’un projet très contesté au cœur de la forêt de Noisy-Le-Grand, en région parisienne. La filière immobilière de BNP Paribas devait en effet installer 600 logements dans le “Bois Lumière”, un espace de verdure s’étendant sur près de 3 hectares. Le promoteur, qui a remporté l’appel d’offres dans le cadre du concours “Inventons la Métropole du Grand Paris” en 2019, avait pour ambition de créer un espace de coworking et une crèche à côté d’habitations dont un quart devait être des logements sociaux. Au total, 2 hectares de forêt devaient être défrichés. Mais c’était sans compter sur la mobilisation des riverains.
“C’est un projet d’un autre temps, un projet qu’on qualifie d’écocide”, dénonce auprès de Novethic Jean Galvier, vice-président de l’association Renard (Rassemblement pour l’Étude de la Nature et l’Aménagement de Roissy et son District). Il a été un des premiers, avec deux autres riverains, à lancer l’alerte mi-2022, avant d’être rejoint par des associations écologistes. Défendant “un réservoir de biodiversité et un élément de la trame verte indispensable au maintien de la nature en ville à Noisy-le-Grand“, la Ligue de protection des oiseaux (LPO) a également contesté ce projet immobilier, considérant cet espace comme un “corridor écologique”, c’est-à-dire un espace de passage pour la faune.
Craintes des actions coup de poing
Le basculement s’est produit en fin d’année 2023, lorsque le Groupe national de surveillance des arbres (GNSA) créé par Thomas Brail, figure de proue de la mobilisation contre l’autoroute A69 dans le Tarn, a rejoint la mobilisation à Noisy-le-Grand, donnant une dimension nationale à la contestation. A ses côtés, Pierrot Pantel, de l’association nationale pour la biodiversité, connu pour ses actions coups de poing. Très vite, ce dernier met en place une stratégie. “J’ai identifié un certain nombre de failles, la première étant de sortir Emmaüs du projet car c’était un étendard, un faire-valoir pour BNP”, explique-t-il à Novethic.
Dans le cadre de ce projet immobilier, Emmaüs Habitat devait en effet devenir bailleur social d’une “soixantaine de logements”, selon Pierrot Pantel. Le 23 février dernier, Marie Veroda du GNSA et Pierrot Pantel, rencontrent Serge Contat, le directeur général d’Emmaüs Habitat. “On lui a bien expliqué qu’on était du même côté, qu’on n’avait rien contre Emmaüs mais qu’on n’était pas dans le compromis, que ça nous embêtait que la déflagration, nos actions de terrain puissent éclabousser Emmaüs”, avance Pierrot Pantel. Contacté par Novethic, Serge Contat n’a pour l’instant pas répondu à nos questions. De l’avis des principaux contestataires, c’est la possible frilosité d’Emmaüs au projet qui aurait fait plier BNP Paribas.
“Aujourd’hui ce qui motive notre décision est le fait qu’il n’y ait pas d’apaisement ni de consensus 5 ans après le lancement du projet”, explique à Novethic Séverine Chapus, de BNP Paribas Real Estate, “C’est une décision lourde parce qu’on s’est mobilisé depuis plusieurs années, c’est loin d’être neutre pour nous”. Dans ses déclarations officielles envoyées par mail, BNP Paribas assure s’attacher à “déployer des projets immobiliers au service des territoires et des riverains, en veillant à toujours maintenir un dialogue continu avec l’ensemble des parties prenantes impliquées”. “
D’autres promoteurs pourraient prendre le relais
Ce sont les mêmes déclarations qui ont été envoyées la veille, le 12 mars, à l’association Renard les informant du désistement de BNP Paribas. Dans ce courrier, que Novethic a pu consulter, il est écrit : “En 2019, nous nous étions engagés dans ce projet qui répondait à un besoin évident de logements, notamment sociaux. Aujourd’hui, les conditions n’étant pas réunies pour mener à bien le projet et en l’absence de consensus entre les différentes parties-prenantes, BNP Paribas Immobilier a décidé de se désengager”, peut-on lire.
Est-ce la fin de l’affaire ? La maire de Noisy-Le-Grand, Brigitte Marsigny, elle, ne cache pas sa colère. “Vous avez déjà vu un promoteur comme la BNP qui se retire d’un projet parce qu’il y a quelques critiques sur X (ancien Twitter) ? Ça me fait doucement rigoler, glisse-t-elle à nos confrères du Parisien. Dans un communiqué envoyé à Novethic, elle confirme : “Contrairement à ce qu’affirme BNPPI, le dialogue a toujours existé avec la Ville, la Métropole et Epamarne mais il semble qu’il ne soit pas en mesure de réaliser un projet économiquement équilibré et compatible avec l’étude environnementale et surtout les attentes et besoins des habitants”.
Reste que l’abandon de BNP Paribas ne signe pas la fin de la mobilisation. “C’est une belle victoire, mais on n’a pas gagné la guerre”, réagit Eric Manfredi, “la mairie ne va pas lâcher le projet”. “Nous restons très vigilants“, abonde Jean Galvier, “Ce terrain peut être convoité par d’autres promoteurs. Mais s’il faut une ZAD, on en fera une !”.