Devoir de vigilance européen (CSDDD), directive sur le reporting de durabilité (CSRD)… de nouvelles réglementations imposent progressivement des obligations en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE), qui devient un enjeu de plus en plus important pour les entreprises. Mais que pensent les salariés de cette “RSE” ? Plusieurs études récentes se sont penchées sur la question : l’Ifop a publié un sondage évaluant le niveau de connaissance des salariés français sur la RSE, et la manière dont ils jugent l’engagement de leur entreprise. Opinion Way a également publié une étude sur le même thème.
Un constat ressort particulièrement de ces études : beaucoup de salariés associent engagement RSE à greenwashing. “56 % des salariés ne sont pas sûrs de la sincérité de cet engagement, craignant du greenwashing ou du socialwashing” analyse ainsi Eléonore Quarré, directrice conseil chez OpinionWay.
Crainte de greenwashing
Une grande partie des salariés français semblent d’abord désabusés concernant les motivations de leur entreprise à s’engager dans une démarche de responsabilité sociale. Selon l’Ifop, près de la moitié estiment que si leur entreprise met en place une démarche RSE, c’est avant tout pour répondre aux obligations légales imposées par la réglementation, comme la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive). C’est la première motivation citée par les travailleurs français. Juste derrière, les salariés mentionnent des enjeux de communication. Comprendre : mettre en place des actions dont l’objectif est surtout de redorer et verdir son image.
Pour Bertrand Desmier, expert des stratégies RSE, ce n’est pas forcément étonnant : “Beaucoup d’entreprises sont encore bloquées dans une RSE de conformité ou de communication, qu’elles ne font que parce qu’elles sont obligées de le faire.” Il ajoute : “Si les organisations se contentent de faire du reporting ou de la sensibilisation, sans politique structurée, et que les salariés ne voient pas d’amélioration derrière, il est normal qu’ils considèrent ça comme du greenwashing.” Pour Martin Richer, spécialiste du management de la RSE, le cœur du problème est “le manque de moyens alloués à ces engagements RSE”. “On créé un espèce de cynisme en disant aux salariés que la RSE est importante, mais sans donner les moyens qui permettent de transformer vraiment les process”, indique-t-il.
“Il y a un défaut de notoriété de la RSE”
Les salariés sont pourtant en attente d’actions et d’engagements de la part de leur employeur. Lorsque l’Ifop demande aux salariés français quel acteur devrait être le plus actif face au réchauffement climatique, 69% citent l’entreprise. C’est l’acteur le plus attendu juste derrière l’Etat (75%) et devant les citoyens (51%). Or, la plupart des salariés semblent penser que leur entreprise n’est pas assez engagée. A peine 12% des salariés estiment ainsi que leur entreprise agit suffisamment sur l’ensemble des enjeux liés à la RSE, comme la protection de l’environnement, la garantie de bonnes conditions de travail ou la bonne gouvernance.
“Il y a également un défaut de notoriété et de visibilité de la RSE dans les entreprises” ajoute Marie Fevrat, chargée d’étude senior à l’Ifop : “plus d’un salarié sur trois n’a ainsi jamais entendu parler de la RSE, et parmi ceux qui la connaissent, moins de 30% savent précisément de quoi il s’agit”. Pour beaucoup de salariés, la RSE reste un concept flou, avec des objectifs vagues, trop peu d’ambition et de moyens. Un concept que les entreprises peinent à traduire dans le travail quotidien de leurs équipes : “7% seulement des formations à la RSE que suivent les salariés concernent la façon d’intégrer la RSE dans leurs métiers” explique ainsi Martin Richer.
Comment y remédier ? En organisant un “ vrai tandem entre la direction RSE et la communication, pour faire passer des messages en interne”, suggère Bertrand Desmier. Mais il faudrait surtout que les engagements RSE se traduisent dans la vie des salariés, par des améliorations concrètes”, pointe-t-il.