Publié le 27 mai 2024

Les entreprises contribuent-elles aux objectifs de développement durable ? Pas vraiment, d’après la Plateforme RSE, qui pointe du doigt le risque d’ODDwashing. Pour éviter les dérives, l’organisme formule des recommandations pour les entreprises.

Après le greenwashing, l’ODDwashing ? A en croire l’état des lieux réalisé par la Plateforme RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), division de France Stratégies dédiée à la question de la prise en compte des enjeux de durabilité par les entreprises, rendu public en mai, les ODD (Objectifs du Développement Durable) sont encore mal intégrés dans les démarches RSE des entreprises, contribuant dès lors peu à la transition écologique et sociale. Conséquence : “à peine 20% des cibles des objectifs de développement durable (ODD) seront atteintes d’ici 2030 si la trajectoire actuelle est maintenue” s’inquiètent les auteurs.

Depuis leur adoption en 2015 par l’Organisation des Nations Unies, les 17 ODD servent de boussole pour la transition écologique et sociale des différents acteurs publics et privés dans le monde. Et les entreprises, sous l’impulsion notamment du Pacte Mondial, s’en sont emparées et les ont intégrés dans leurs communications en matière de durabilité. Mais sans toutefois en faire un outil structurant.

Faibles budgets, manque de moyens

L’analyse des experts de la Plateforme RSE est sans appel : “peu d’entreprises utilisent les ODD et leurs cibles comme des leviers de transformation de leurs modèles d’affaires” et comme levier de durabilité globale. Pire : les études “montrent une très faible contribution positive des entreprises aux objectifs de développement durable”, comme le soulignent les auteurs. En cause notamment, “les faibles budgets alloués à la RSE” dans les entreprises, et “le manque de moyens humains dédiés”, qui ne permettent pas de créer une dynamique sérieuse de prise en compte des enjeux sociaux et environnementaux. Les chiffres parlent d’eux mêmes : “une ETI-grande entreprise sur deux et deux tiers des TPE-PME déclarent avoir moins d’un demi équivalent temps plein consacré aux sujets RSE” .

“On n’y est pas du tout”, commente pour Novethic Patrick d’Humières, spécialiste du management de la RSE, qui ajoute “dans leur majorité, les démarches RSE sont encore peu transformatives et systémiques, et ne portent pas sur l’ensemble des objectifs de durabilité.” Les entreprises tendent en effet à se focaliser sur une sélection réduite d’ODD, négligeant les autres : les ODD portant par exemple sur le réchauffement climatique, ou sur l’emploi et la croissance “sont largement priorisés par les entreprises françaises” quand ceux liés à la pauvreté ou à la biodiversité sont encore souvent oubliés.

Des propositions pour éviter les dérives

Trop d’entreprises se contentent par ailleurs d’évaluer leur contribution positive aux ODD, sans mesurer leurs impacts négatifs. Une forme de d’ODDwashing qui transforme les ODD en outil de communication plutôt qu’en outil de transformation. Pour éviter les dérives, la plateforme RSE recommande, en ligne avec la directive européenne sur le reporting (CSRD), de renforcer l’évaluation et le reporting à 360 degrés par les grandes entreprises de “leur contribution, positive et négative, aux ODD”. Une préconisation soutenue par Patrick d’Humières : “la RSE ce n’est pas seulement ce qu’une organisation a envie de faire dans son coin, c’est identifier tous ses impacts, et établir une feuille de route pour s’aligner avec les limites planétaires et les grands objectifs de durabilité collectifs” analyse-t-il.

Outre la hausse des moyens financiers et humains dédiés à la transformation durable, la plateforme recommande également aux grandes entreprises d’établir leur stratégie RSE en concertation avec leurs parties prenantes, salariés, ou encore fournisseurs. Il s’agirait par exemple de donner plus de ressources au dialogue social en matière de durabilité, vu comme un “des instruments majeurs pour l’atteinte des ODD”, en impliquant par exemple les syndicats et représentants de salariés dans la démarche. Pour les donneurs d’ordre, il paraît également essentiel d’“entraîner et accompagner leurs partenaires, notamment en prenant en compte les difficultés des TPE et PME”, dans le cadre d’une RSE partenariale. Des recommandations qui prennent tout leur sens, alors que la contribution des entreprises aux objectifs de durabilité collectif est de plus en plus scrutée par l’ensemble des parties prenantes.

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