Nouveau rebondissement dans la “saga sur les dénominations végétales”. Vendredi 4 octobre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a remis en cause l’interdiction de l’usage des mots “steak” et “saucisse” par les fabricants d’alternatives végétales à la viande. “Un Etat membre ne saurait empêcher, par une interdiction générale et abstraite, les producteurs de denrées alimentaires à base de protéines végétales de s’acquitter, par l’utilisation de noms usuels ou de noms descriptifs, de l’obligation d’indiquer la dénomination de ces denrées”, souligne l’arrêt.
Un revers de plus pour l’Etat français, qui avait publié en juin 2022, puis en février 2024, deux décrets pour répondre à une revendication déjà ancienne des acteurs de la filière animale. Pour ces derniers, les termes comme “jambon végétal”, “saucisse vegan” ou “bacon végétarien” pourraient créer la confusion chez les consommateurs. Contestés par des acteurs du secteur des produits végétariens et végétaliens tels que l’association Protéines France, ces textes avaient néanmoins été suspendus en référé par le Conseil d’Etat, dans l’attente de l’avis de la CJUE.
“Une victoire tant attendue”
L’Europe, dans son règlement sur l’information des consommateurs, autorise donc la dénomination de produits végétaux par des termes habituellement utilisés pour la viande animale. Elle précise par ailleurs que “le dispositif européen (…) s’oppose également à des mesures déterminant des taux de protéines végétales en deçà desquels reste autorisée l’utilisation de dénominations”. En revanche, souligne la Cour, “si une autorité nationale estime que les modalités concrètes de vente ou de promotion d’une denrée alimentaire induisent en erreur le consommateur, elle pourra poursuivre l’exploitant”.
Une décision accueillie avec grand enthousiasme par les acteurs de la filière du végétal. La marque française de viande végétale La Vie salue ainsi “une victoire tant attendue”. “Nous pouvons donc continuer d’utiliser les dénominations usuelles, comme lardons végétaux et jambon végétal, des dénominations qui sont les plus claires pour les consommateurs”, a réagi Nicolas Schweitzer, le directeur général de l’entreprise. Pour l’avocat de la marque et de Protéines France, Guillaume Hannotin, “steak végétal est une appellation d’usage qui existe depuis plus de 40 ans”.
💛 Victoire : la CJUE rejette le décret français!
La cour a jugé que les pays doivent se conformer à l’harmonisation et ne pas interdire de manière générale l’utilisation de termes traditionnels pour les produits végétaux, sauf s’ils adoptent des noms légaux spécifiques. pic.twitter.com/GkvTyCNeTF
— Heura Foods 🇫🇷 (@HeurafoodsFr) October 4, 2024
Vers une décision définitive
“La France, en choisissant d’interdire de recourir au mot steak, empêchait les producteurs de nommer leurs produits, c’est kafkaïen”, ajoute l’avocat pour qui cette démarche visait à “faire sortir (le secteur) du marché”. Les professionnels de la filière Elevage et Viande déplorent quant à eux une décision qui “valide l’usurpation des codes d’un produit naturel et sans additif pour commercialiser des produits ultra-transformés”, selon l’Interbev, l’association interprofessionnelle du bétail et des viandes.
Dans un communiqué, l’Association végétarienne de France, co-porteuse du recours, espère de son côté que l’arrêt de la CJUE permettra au Conseil d’Etat d’“invalider définitivement ces décrets, qui portaient un coup illégitime à un secteur économique en plein essor et déterminant pour la transition écologique”. Ce sera en effet désormais à la juridiction “de rendre une décision définitive”, a souligné vendredi un porte-parole de la Commission européenne, mettant fin à plusieurs années de débat.