Publié le 11 avril 2024

Dans une décision rendue le 10 avril, le Conseil d’Etat suspend le décret interdisant les appellations “viandes végétales”. Les juges émettent de “sérieux doutes” sur la compatibilité du décret avec la législation européenne, et pointent “une atteinte grave et immédiate” aux intérêts de la filière végétale.

Le Conseil d’Etat vient de suspendre le tout récent décret interdisant les appellations de type “viande végétale”. Publié par le gouvernement fin février, à la demande notamment du secteur de la viande et de l’élevage, ce décret interdisait aux acteurs français de l’agro-alimentaire végétale de commercialiser des produits sous les noms “jambon végétal”, “lait végétal” ou encore “saucisse vegan”.

Les entreprises du secteur avaient lancé il y a quelques semaines un référé au Conseil d’Etat contre ce décret. La décision suspend donc le décret et permet donc aux entreprises commercialisant des protéines végétales d’utiliser à nouveau ces appellations. Cedric Meston, cofondateur d’HappyVore, qui commercialise des alternatives végétales, s’est félicité de cette décision sur les réseaux sociaux : “Cette victoire marque une grande avancée pour le marché du végétal en France.” De son côté, Nicolas Schweitzer, cofondateur de La Vie, spécialiste des lardons et du bacon végan, s’est dit “très heureux et soulagé”.

Une victoire pour la transition écologique de l’alimentation

Dans sa décision le Conseil d’Etat évoque deux raisons pour justifier la suspension du décret. D’abord “de sérieux doutes” sur la comptabilité juridique entre ce décret et la législation européenne sur l’information des consommateurs. La seconde raison tenait à l’urgence de la situation pour les acteurs des protéines végétales, le décret constituant “une atteinte grave et immédiate” à leur pérennité. Les entreprises requérantes faisaient également valoir devant le Conseil d’Etat la situation de concurrence déloyale instaurée par le décret, entre les producteurs français et les producteurs étrangers. L’interdiction ne s’appliquait en effet qu’aux acteurs produisant en France, sans concerner les entreprises étrangères, qui pouvaient donc continuer à commercialiser en France des “steaks végétaux”.

“C’est une bonne nouvelle pour la filière végétale, mais aussi pour la transition écologique de l’alimentation, qui passe par la végétalisation de nos assiettes” analyse pour Novethic Nicolas Schweitzer. Romain Espinosa, économiste, confirme, et explique ainsi : “on voit que les dénominations traditionnelles augmentent la volonté à consommer les alternatives” et facilitent donc la transition vers une alimentation plus végétale. Or, cette transition vers une alimentation contenant moins de produits d’origine animale et plus d’alternatives issues de plantes est l’une des clés de la transition écologique dans le secteur agro-alimentaire, comme le rappelaient en 2023 les différents rapports du GIEC.

Dans l’attente d’une clarification de l’Europe

Ce n’est pas la première fois qu’un tel décret est suspendu par le Conseil d’Etat. En 2023, l’institution avait déjà pris une décision analogue contre un décret de 2020 qui proposait également d’interdire les appellations de “viandes végétales”, en attendant une décision de la Cour de Justice de l’Union Européenne sur la réglementation sur l’information des consommateurs. Ce nouveau décret est à nouveau suspendu pour des raisons similaires, en attendant une clarification sur le fond venant de l’Europe.

En attendant, le débat autour des appellations des produits d’origine végétale pourrait continuer en France. L’interdiction de ces dénominations continue à être défendue par les représentants des industries de l’élevage, qui y voient une information trompeuse pour les consommateurs. A la parution du décret d’interdiction, la Fédération national bovine avait salué un texte “très attendu” et “essentiel pour la protection de la dénomination”. Du côté des industriels du végétal, on s’attend donc à de nouvelles offensives : “on sait que les lobbies de la viande continueront d’essayer de ralentir la végétalisation de l’alimentation, ils déploient des moyens considérables pour ça depuis des années” dénonce Nicolas Schweitzer.

Découvrir gratuitement l'univers Novethic
  • 2 newsletters hebdomadaires
  • Alertes quotidiennes
  • Etudes