Publié le 5 avril 2024

La construction de l’éco-score textile touche à sa fin. Le 3 mars dernier, le ministère de la Transition écologique a dévoilé la méthode de calcul permettant de déterminer le futur affichage environnemental auquel les entreprises de la mode pourraient être contraintes dès 2025.

T-shirt en coton bio, robe en polyester ou encore pull en laine… Quel est le coût de nos vêtements pour la planète ? Dans quelques mois, les consommateurs français pourront y voir plus clair grâce à la mise en œuvre progressive de l’affichage environnemental dédié à l’habillement, l’éco-score. A l’initiative de ce dispositif inédit, le gouvernement a franchi cette semaine une nouvelle étape en mettant à disposition des marques textiles un premier simulateur, intitulé “Ecobalyse”. L’objectif : leur permettre d’expérimenter cet éco-score, dont la méthode de calcul vient d’être finalisée après plusieurs mois de dialogue entre experts, représentants de la société civile et acteurs du secteur.

Concrètement, celle-ci se décompose en deux volets. Le premier prend en compte “l’ensemble des impacts environnementaux tout au long du cycle de vie du produit”, indique le ministère de la Transition écologique dans un communiqué de presse. Il se fonde pour cela sur le Product Environmental Footprint (PEF), la méthodologie choisie par l’Europe pour créer son propre indicateur, qu’il vient enrichir. Parmi les critères retenus, on retrouve ainsi les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’eau, mais aussi les atteintes à la biodiversité comme les rejets de microplastiques, aujourd’hui absents du PEF.

Favoriser les marques vertueuses

Le second volet intègre la durabilité extrinsèque du vêtement, c’est-à-dire “la durabilité non-physique liée aux pratiques des marques”, précise le ministère. Ici l’analyse se concentre sur les matières utilisées, les incitations à la réparation ou encore le nombre de références commercialisées. Ces éléments sont utilisés afin de calculer un coefficient de durabilité venant “moduler le coût environnemental à la baisse pour les marques les plus vertueuses et à la hausse pour les vêtements issus de l’ultra fast-fashion”. A l’arrivée, l’indicateur prend la forme d’un score allant de 0 à l’infini, plus la note étant haute, plus l’impact étant important. Son affichage auprès du grand public, via une étiquette ou un logo, reste, lui, encore à déterminer.

“Aujourd’hui, il n’y a pas d’autres méthodes sur le marché qui permettent d’aller aussi loin”, note Julia Faure. Interrogée par Novethic, la présidente d’En mode climat, association réunissant des marques, des usines, des acteurs économiques de la mode, salue notamment la prise en compte des impacts du polyester, une fibre synthétique dérivée du pétrole qui pourrait, à défaut, être favorisée pour sa résistance. “Ça nous semble aller dans le bon sens”, confirme Pierre Condamine, chargé de campagne surproduction aux Amis de la Terre France. “Mais nous regrettons qu’il n’y ait rien concernant les critères sociaux ou la dangerosité sur la santé”, tempère-t-il.

Du côté de l’Union Française des Industries Mode & Habillement (UFIMH), l’accueil de l’éco-score textile est plus nuancé. “Nous sommes en faveur d’un affichage”, affirme à Novethic Adeline Dargent, en charge du suivi des projets RSE pour l’UFIMH. “Cependant, certains critères ne nous paraissent pas robustes et scientifiques”, explique-t-elle en évoquant la notion de durabilité extrinsèque. Par ailleurs, renseigner les éléments nécessaires au calcul de l’indicateur demande une traçabilité de la chaîne de valeur. “Nous pensons que la filière n’est pas encore prête. C’est un secteur au sein duquel il est compliqué d’obtenir toutes les informations car la chaîne est assez fragmentée et internationale”, assure la spécialiste.

Une “possible” obligation en 2025

Des enjeux auxquels les professionnels devront répondre dans les prochains mois. Déployé dans un premier temps auprès des entreprises pour consultation, l’affichage environnemental devrait en effet être mis en œuvre “à l’automne 2024” sur la base du volontariat. Une phase pensée pour permettre “aux consommateurs de se familiariser avec ce coût environnemental” et aux marques de “faire évoluer leurs pratiques de fabrication en conséquence”. S’en suivra-t-il une obligation, comme prévu initialement par la loi Climat et Résilience ? Selon le ministère, l’affichage environnemental pourrait devenir contraignant “à partir de 2025”.

L’étape est importante, notent les associations, car l’affichage environnemental sera lié au calcul du système de “bonus-malus” prévu dans le cadre de la future proposition de loi visant à réguler la fast fashion, adoptée le 14 mars dernier à l’assemblée. Les entreprises du secteur ont donc tout intérêt à s’approprier l’outil dès la phase de concertation. “L’intérêt de l’éco-score, c’est de faire évoluer le comportement des marques et des industriels”, souligne Julia Faure. Un changement urgent à opérer : en 2020, le secteur représentait la troisième source de dégradation de l’eau et d’utilisation des sols en Europe. Cette même année, les vêtements consommés au sein de l’UE étaient à l’origine de 121 millions de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre, soit 3,5% des émissions du continent.

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