Publié le 12 mars 2024

La CFDT sort les griffes. Le syndicat attaque en justice Carrefour qui, depuis quelques années, passe ses magasins en franchise ou en location-gérance. Un modèle moins disant socialement mais plus en plus répandu dans la grande distribution, au grand dam des salariés.

Carrefour a-t-il entamé une restructuration déguisée ? C’est en tout cas ce que lui reproche la CFDT qui a annoncé, le 11 mars, avoir attaqué en justice le géant de la distribution pour pratique abusive. Au cœur du problème : la location-gérance et la franchise. Concrètement, ces termes désignent la cession à des tiers de la gestion des points de vente. “Nous estimons que ce mode de gestion, tel que pratiqué par Carrefour, ne répond pas aux règles du droit et qu’elle a des conséquences très fortes pour les travailleurs”, a expliqué à l’AFP Sylvain Macé, secrétaire national de la CFDT Services.

Depuis l’arrivée d’Alexandre Bompard à la tête de Carrefour en 2017, plus de 300 magasins sont passés en location-gérance ou en franchise. 23 000 salariés seraient ainsi “sortis du groupe”, affirme la CFDT. Or le syndicat dénonce une dégradation des conditions pour ces travailleurs après ce passage : une perte des avantages sociaux ainsi qu’une baisse de 2 300 euros en moyenne par an.

“Précarisation des salariés”

De fait, à l’issue de quinze mois, les franchisés ne sont plus soumis aux accords d’entreprise. “La CDFT demande à la justice de condamner Carrefour pour abus de droit – ce qui permettra aux salariés qui le souhaitent de demander réparation – mais aussi d’interdire dans les conditions actuelles, la mise en franchise et la location-gérance de nouveaux établissements !”, alerte le syndicat dans un communiqué.

Carrefour défend lui, une stratégie pour échapper aux fermetures de magasins peu rentables. C’est d’ailleurs un des axes de développement revendiqué par le géant du CAC40. En 2023, Alexandre Bompard avait en effet confirmé à nos confrères des Echos que la moitié de son chiffre d’affaires était dégagée par des magasins en franchise ou en location-gérance. “Longtemps le groupe s’est targué d’être le premier employeur privé en France. Il gonfle aujourd’hui sa rentabilité en précarisant les salariés et devient une sorte de grossiste”, dénonce sur Twitter la députée EELV des Hauts-de-Seine Sabrina Sebaihi, pointant a contrario les 481 millions d’euros de dividendes versés aux actionnaires en 2023.

Un modèle en voie de disparition

Reste qu’il n’est pas le seul à opter pour cette stratégie. Depuis quelques années, le modèle des succursalistes, qui prédominait historiquement dans la grande distribution, disparaît. Casino par exemple, était un des derniers survivants de ce modèle. Or le groupe plombé par un endettement monstre est en train de revendre ses hypermarchés et supermarchés, sans garantie pour le modèle social de ses salariés.

“C’est tout un modèle qui est en train de mourir”, expliquait à Novethic en décembre dernier l’expert de la grande distribution Olivier Mevel. “Les franchisés et le modèle de location-gérance, beaucoup moins disant socialement, font la course en tête”. Auchan, autrefois succursaliste a lui aussi annoncé sa volonté de se tourner vers davantage de franchises. La CFDT craint que l’ensemble de la grande distribution se dirige “vers un modèle qui est une forme de délocalisation locale, où on externalise les enjeux sociaux”.

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