Publié le 11 juillet 2025

Casa France en liquidation judiciaire, Maisons du Monde en difficulté… Après la chute d’Habitat et de Made.com, le secteur de la décoration et de l’ameublement continue de souffrir en France. En cause, la baisse du pouvoir d’achat et la crise de l’immobilier, mais aussi l’émergence des géants Shein et Temu qui étendent leur stratégie à ce nouveau marché.

C’est un nouveau coup dur. Après Habitat et Made.com, Casa France a été placé en liquidation judiciaire le 27 juin dernier par le tribunal de commerce de Bobigny, “sans maintien de l’activité de la société”. Faute d’une offre de reprise solide, 143 magasins vont définitivement baisser le rideau, laissant sur le carreau près de 600 salariés. L’enseigne attribue cette fermeture à des difficultés résultant de la liquidation en mars dernier de Casa International en Belgique, qui “assurait historiquement les fonctions centrales du groupe international, indispensables au fonctionnement de l’activité en France”, selon des informations rapportées à l’AFP.

Mais d’autres facteurs entrent en compte. La marque, créée en 1975, souligne notamment “des difficultés structurelles déjà présentes sur un marché national fragilisé”. Des difficultés qui n’épargnent pas ses concurrents. Fin janvier, Maisons du Monde annonçait en effet la suppression de 91 emplois au sein de ses sièges situés à Paris et à Nantes. En 2024, l’enseigne a vu ses ventes chuter de -11,2% tandis que son action en bourse plonge, à hauteur de 42% depuis le début de l’année. Pour se rétablir, l’entreprise a lancé en mars 2024 un plan de transformation comprenant des baisses de prix sur près de 3 000 produits, une réduction de l’offre ou encore la rénovation de ses magasins.

“La fast-déco bouleverse les règles du jeu”

Mais, pour l’instant, l’avenir reste incertain pour l’enseigne, comme pour l’ensemble du marché. En 2024, le secteur du meuble a enregistré une baisse de -5,1% de son chiffre d’affaires, après une année 2023 déjà marquée par un recul à -2%, observe l’Institut de la Maison (IPEA). En cause, la baisse du pouvoir d’achat et la chute de l’immobilier qui fragilise, par effet ricochet, le marché de l’ameublement et de la décoration, mais aussi l’essor de nouvelles enseignes très décriées, comme les géants chinois Shein et Temu. Ce dernier arrive d’ailleurs à la sixième place des sites e-commerce les plus visités en France, deux ans seulement après son lancement, avec près de 18 700 000 visiteurs uniques moyens par mois selon la Fevad.

Une forte croissance qui inquiète les fédérations professionnelles. “Depuis plusieurs années, les entreprises de la filière sont confrontées à une situation inédite : le développement massif de la ‘fast déco’, pendant de la ‘fast fashion’, qui bouleverse les règles du jeu”, note dans un communiqué l’Union nationale des industries de l’Ameublement français. “L’Ameublement français a perdu la moitié de ses effectifs et de sa capacité de production au cours des 25 dernières années tandis que les importations en provenance de Chine [ont été multipliées] par 21”, ajoute l’organisation. Pour Emmanuel Le Roch, délégué général de la Fédération pour la promotion du commerce spécialisé, l’enjeu est majeur. “Si nous raisonnons à deux ou trois ans sans rien faire d’ici là, on aura des morts dans le commerce”, affirme-t-il auprès du Figaro.

Vers une crise sectorielle ?

Après le prêt-à-porter, les plateformes Shein et Temu s’attaquent donc à la petite décoration et même à l’ameublement. “On est sur des objets pour lesquels les consommateurs avaient l’habitude d’aller en magasins, de tester… Ces étapes n’existent plus, tout va très vite”, constate Laëtitia Lamari, analyste e-commerce interrogée par Novethic. Pour séduire les clients, les deux entreprises utilisent la recette qui a fait leur succès dans le secteur de la mode. Prix cassés, cycle de production raccourci, appel à un réseau d’influenceurs ultra actifs sur les réseaux sociaux… Tout est fait pour pousser les utilisateurs à l’achat dans un temps record, là où les enseignes historiques appliquent des stratégies de retail beaucoup plus traditionnelles.

“D’un côté, on a Temu et Shein, capables de détecter les tendances grâce à leur algorithme basé sur l’IA. De l’autre, on a tout en bout de chaine Action et Noz, qui vont déstocker à bas prix. A quel moment il y a une place entre les deux pour un acteur avec une offre accessible et premium ?”, questionne Laëtitia Lamari. Pour la spécialiste, le scénario ayant conduit à la crise du milieu de gamme dans le textile pourrait se reproduire sur le marché de la décoration, pouvant aller jusqu’à “une crise sectorielle” dont on commencerait à voir les impacts. “Ça va être difficile pour ces marques, mais il faut surtout qu’elle titre les leçons de ce qui s’est passé dans le prêt-à-porter”.

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