Publié le 28 décembre 2023
C’est désormais officiel. L’enseigne Habitat vient d’être placée en liquidation judiciaire. Elle laisse derrière elle un peu plus de 300 salariés, des montagnes d’impayés et 9 millions d’euros d’acomptes versés par des clients qui n’ont jamais réussi à obtenir leurs meubles ou leurs remboursements. Derrière cette descente aux enfers, le "serial repreneur" Thierry Le Guénic est pointé du doigt par les salariés pour sa mauvaise gestion. 
Fermeture de rideaux pour Habitat. L’enseigne d’ameublement, pionnière de la démocratisation des meubles design, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de Bobigny ce jeudi 28 décembre, selon les informations de Libération. Fondée en 1964 par Terence Conran, dont la devise était "L’utile peut être beau et le beau accessible", elle traverse depuis quelques années une grave crise qui ont mené à son placement en redressement judiciaire le 6 décembre dernier. Au total, Habitat emploie un peu plus de 300 salariés en France regroupés dans 25 magasins. 


Officiellement, l’entreprise affirme avoir "été confrontée à des difficultés financières profondes, largement attribuables à une gestion antérieure défaillante et exacerbée par des facteurs plus récents : une baisse significative de la fréquentation des magasins, un choc inflationniste et la flambée des prix de l’énergie, des matières premières et du transport, avec un impact direct sur le pouvoir d’achat des ménages, des mouvements sociaux internes ayant perturbé l’activité". La demande en redressement judiciaire avait pour objectif de "stabiliser la situation financière de l’enseigne qui n’a jamais été profitable en France et assurer la viabilité à long terme d’Habitat", affirmait l’entreprise. 


Salaires incomplets, factures non payées, absence de chauffage… 


Une stabilisation à laquelle n’ont jamais cru les salariés. Car depuis l’automne, la situation s’est considérablement dégradée dans les magasins. Selon une enquête de Médiapart, l’homme d’affaires Thierry Le Guénic, qui a repris Habitat en 2020 pour un euro symbolique, n’a payé que 60 % des salaires de novembre et comptait sur le régime légal de garantie des salaires pour compléter et payer le mois de décembre. De même, "depuis plusieurs semaines, voire parfois plusieurs mois, l’entreprise ne règle ni factures, ni loyers, ni fournisseurs". Certains salariés ont d’ailleurs exercé leur droit de retrait en l’absence de chauffage faute de facture payée. Et cette situation a empiré face aux commandes des clients.


Car malgré le non-renouvellement adéquat des stocks, les ventes ont continué de s’envoler. Au total, les clients ont versé près de 9 millions d’euros d’acomptes pour l’achat de meubles et autres produits, et ont aujourd’hui peu de chance de récupérer leurs commandes ou leur argent. Des conflits entre clients et salariés ont ainsi éclaté. Pour les salariés, le principal responsable de cette descente aux enfers porte un nom : Thierry Le Guénic.


Thierry Le Guénic, un empire qui s’écroule ? 


"Certains sont là depuis 30, 37, 40 ans, on ne pensait pas en arriver là et il a fallu un homme comme Thierry Le Guénic pour tout mettre à terre", réagit auprès de l’AFP Hamid Saidi, qui a passé 37 ans dans l’entreprise. "Maintenant ne le laissez plus ouvrir un magasin", abonde son collègue Youcef Toumert.  


Décrit comme un "serial repreneur" par la presse, Thierry Le Guénic s’est spécialisé dans le rachat d’enseignes en difficulté. Les marques de lingerie Orcanta et Chantal Thomass, la startup Quitoque, la marque de prêt-à-porter Burton of London, ou encore Paule Ka… Thierry Le Guénic avale. Mais l’entrepreneur-investisseur s’avère parfois trop gourmand. Car Habitat n’est pas la seule enseigne à subir une liquidation. Orcanta a subi le même sort en septembre et Burton of London devrait suivre le même chemin.
Marina Fabre Soundron
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