Publié le 26 mars 2024

Les élections présidentielles sénégalaises n’auront eu qu’un tour, le 25 mars, en forme de raz de marée électoral pour le principal candidat de l’opposition, Bassirou Diomaye Faye. A 44 ans, cet ancien inspecteur des impôts incarne l’espoir d’une population jeune qui voudrait changer de système. Grand coup de balai en perspective, y compris dans les intérêts français.

Le nouveau président veut un Sénégal “souverain, juste et prospère” qu’il a décrit dans son livre programme “Le projet”, publié peu avant les élections présidentielles. Bassirou Diomaye Faye a obtenu une large victoire dès le premier tour face à plus d’une dizaine de candidats dont celui qui avait le soutien du président sortant, Amadou Ba. Ce triomphe a surpris plus d’un observateur mais les Sénégalais aspiraient profondément à une rupture radicale et la tentative de report des élections de Macky Sall a obtenu l’effet inverse de ce qu’il espérait. Elle a déclenché un soutien massif au programme porté par Bassirou Diomaye Faye qu’il a ainsi résumé lors de son premier discours de président prononcé le jour de son 44 -ème anniversaire, le 25 mars : “Je m’engage à gouverner avec humilité. Je m’engage à lutter contre la corruption.”

Au départ Bassirou Diomaye Faye était un candidat par défaut quasi-inconnu. Il était le numéro deux d’Ousmane Sonko, l’idole des jeunes dans un pays où la moitié de la population a moins de 20 ans. Mais celui-ci a été mis en prison et déclaré inéligible. Il a alors désigné son second, Diomaye Faye pour être candidat à sa place. Cela a valu à cet homme beaucoup plus discret de faire lui aussi de la prison pendant 335 jours en préventive pour “outrage à magistrat” et “appel à l’insurrection”.

Les deux hommes qui ont fondé ensemble il y a une dizaine d’années le PASTEF, parti des Patriotes africains du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité, ont un programme de rupture avec le modèle de gouvernance précédente considérée comme proche de la France. Ils se réclament du panafricanisme, veulent s’affranchir du franc CFA et veulent surtout faire bénéficier la population sénégalaise des nouvelles richesses attendues des ressources pétrolières et gazières trouvées au large du Sénégal qui entrent en exploitation.

Renégocier les contrats miniers

Après avoir cherché à prolonger son mandat au-delà du 2 avril 2024 puis avoir tenté de reporter les élections à la fin de l’année, Macky Sall a finalement cédé sur tous les fronts. Il a du libérer ses deux principaux opposants il y a dix jours qui ont pu mener une campagne express avant le premier tour organisé finalement le 24 mars. Les intérêts en jeu sont considérables puisque le programme du nouveau président est ouvertement de rétablir les droits des Sénégalais qu’il estime bradés à des pays étrangers. Pour rétablir cette souveraineté il veut renégocier les contrats miniers, gaziers et pétroliers. La France a perdu l’un de ses derniers alliés dans une région où les putschs militaires se sont multipliés tout comme les conflits avec Paris. Elle a de nombreux intérêts économiques au Sénégal qui pourraient être bousculés.

En 2017, le ministre de l’énergie du gouvernement de Macky Sall, Thierno Allasane Sall avait démissionné avec fracas pour protester contre les pressions exercées selon lui par le président sortant pour faire remporter à TotalEnergies un permis d’exploitation des ressources fossiles qui venaient d’être découvertes au large du Sénégal. Il estimait que l’offre était l’une des moins intéressantes pour les Sénégalais et considérait que la France était prête à tout :“Ils sont prêts à te faire la guerre, un coup d’Etat, ou à lever toute une rébellion pour imposer un contrat. Car ils ne veulent pas s’aligner sur le marché comme les concurrents. Ils imposent leur deal et si tu ne veux pas tu dégages” avait-il déclaré devant les caméras de télévision.

Cela peut faire partie des contrats que va réexaminer le nouveau président considéré comme un homme politique aux mains propres, à l’opposé de son principal adversaire Amadou Ba qui avait le soutien de Macky Sall.

Diomaye Faye aura-t-il les moyens de lutter contre la corruption à grande échelle ? Le Sénégal a déjà renversé démocratiquement le modèle de gouvernance traditionnelle des dirigeants africains qui perdure depuis la fin de la colonisation. Il pourrait aussi donner l’exemple de changements majeurs auxquels aspire la jeunesse du continent.

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