“Quand les femmes s’arrêtent, tout s’arrête.” Le ton est donné. Le vendredi 8 mars 2024, journée internationale des droits des femmes, sera marqué en France par une grève “du travail, des tâches domestiques et de la consommation”. A l’appel d’une cinquantaine d’organisations féministes, syndicales et politiques, les travailleuses, mais aussi les travailleurs, sont appelés à débrayer pour démontrer “le rôle fondamental des femmes dans la société”.
Plusieurs dizaines de milliers de personnes sont ainsi attendues dans 150 villes de l’Hexagone pour protester contre les inégalités salariales, les violences sexistes ou encore le manque de moyens alloués aux services publics et à l’éducation. “Malgré la grande cause nationale du quinquennat pour l’égalité femmes-hommes, nos organisations constatent l’absence d’avancées concrètes que ce soit en matière de rémunération, d’articulation des temps de vie ou de violences sexistes et sexuelles dans le monde du travail”, font valoir dans un communiqué commun les syndicats participants.
Des syndicats fortement mobilisés
“Le mot d’ordre, c’est l’égalité réelle. La première chose à faire c’est d’appliquer les mesures déjà en place”, rappelle à Novethic Pauline Laby-Le Clercq, Secrétaire Régionale de l’Unsa Ile-de-France. Sur le plan des rémunérations, le salaire moyen des femmes est encore inférieur de 23,5% à celui des hommes dans le secteur privé rapporte l’Insee dans une étude publiée le 5 mars dernier. “Nous demandons la revalorisation immédiate des métiers à prédominance féminine, en termes de salaire et de nombre d’emplois”, réagit auprès de Novethic Myriam Lebkiri, Secrétaire confédérale de la CGT. “Nous soutenons également l’interdiction des temps partiels imposés, occupés à 80% par des femmes, et la prise en compte des violences en entreprise”, ajoute-t-elle. 30% des salariées déclarent en effet avoir subi des situations de harcèlement ou d’agression sexuelles sur leur lieu de travail.
Si l’appel à une grève féministe pour défendre ces revendications n’est pas nouveau, il est néanmoins inédit par son ampleur. Poussée par le mouvement #MeToo et l’inscription de l’IVG dans la Constitution, la mobilisation bénéficie par ailleurs d’un engouement particulier relayé par huit organisations syndicales (CGT, CFDT, FO, CFE-CGC, CFTC, Unsa, Solidaires, FSU). “Les années précédentes, nous communiquions sur le 8 mars et l’égalité professionnelle, mais cette année ça nous semblait pertinent d’aller au-delà”, admet Pauline Laby-Le Clercq. Ce mouvement intersyndical est à mettre à l’actif de la lutte contre la réforme des retraites, qui a réussi l’année dernière à mettre en évidence les inégalités dont souffrent particulièrement les femmes retraitées.
“Faire bouger la société”
Un contexte également marqué ces dernières années par des mobilisations victorieuses pour les travailleuses. On pense notamment au combat des vingt salariées de l’hôtel Ibis Batignolles, qui après près de deux ans de contestation, ont signé en mai 2021 un accord “historique” accordant la quasi-entièreté de leurs revendications. Mais aussi plus récemment, aux 72 grévistes de la marque de puériculture Vertbaudet qui ont obtenu en juin 2023 une revalorisation de leur salaire suite à deux mois de débrayage. Avec une grève générale féministe, le collectif à l’origine de la manifestation espère “faire bouger la société” comme cela a été le cas ces dernières années chez certains de nos voisins européens.
Le 8 mars 2018, près de 6 millions de travailleuses et travailleurs avaient quitté le travail durant quelques heures pour exiger l’égalité femmes-hommes. En octobre 1975, c’est en Islande que 90% des femmes avaient débrayé dans le cadre de la “kvennafrí”, soit littéralement “journée de congé des femmes”, conduisant à d’importants changements sociétaux dans le pays. “On a regardé ces mouvements avec énormément d’envie, mais on y travaille. Ce 8 mars sera puissant, avec 160 mobilisations prévues en journée”, assure Myriam Lebkiri. “On franchit une étape qui était inimaginable il y a encore quelques années.”