Publié le 23 août 2024

Nestlé change de capitaine. Alors que le numéro 1 mondial de l’alimentation est embourbé dans des scandales en série qui ont terni sa réputation auprès du grand public, le groupe tente de renouer avec la confiance des investisseurs. Et la tâche est ardue : depuis janvier 2022, les actions de Nestlé ont chuté de 30 %.

C’est un départ surprise qui intervient dans un contexte compliqué pour le numéro 1 mondial de l’alimentation. Dans un communiqué publié le 22 août, Nestlé a annoncé l’arrivée du français Laurent Freixe, auparavant directeur général de la zone Amérique, à la tête du groupe. Il remplace Mark Schneider, directeur général depuis 2017. “Je conçois que ce remaniement puisse surprendre beaucoup d’entre vous, mais nous avons convenu que le moment est venu pour un changement”, a expliqué le lendemain, vendredi 23 août, le président du conseil d’administration de Nestlé devant des investisseurs. Pour l’instant, ces derniers sont dans l’expectative : les actions du groupe ont enregistré une baisse de 3% à 9h le même jour.

Rien n’indique dans le communiqué pour le moins laconique de Nestlé les raisons de ce changement de gouvernance. Mais il intervient à la suite d’une série de scandales qui ont terni la réputation du géant de l’alimentation auprès du grand public. Il y a d’abord eu le scandale des intoxications des pizzas Buitoni contaminées à la bactérie E. Coli. Pizzas suspectées d’être responsables de la mort de deux enfants en 2022. Le 5 juillet dernier, Nestlé France et une de ses filiales ont ainsi annoncé être mises en examen dans cette affaire qui a rompu la confiance entre les consommateurs et le groupe.

Pizza Buitoni, forages illégaux, traitements interdits

Ensuite, il y a les forages illégaux qui auraient permis à l’entreprise de capter près de 19 milliards de litres d’eau dans neuf forages en France au profit des marques Contrex et Vittel. Puis les révélations du Monde et de FranceInfo montrant que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) avait remis au ministère de la santé, mi-octobre 2023, une note estimant que la qualité sanitaire des eaux du groupe Nestlé (Perrier, Contrex, Vittel, Hépar…) n’était pas garantie. Le géant de l’alimentaire avait été contraint par arrêté préfectoral de détruire deux millions de bouteilles de sa marque Perrier.

Mediapart, quelques jours plus tard, révélait que depuis plus de 15 ans la multinationale traitait en réalité ses eaux minérales naturelles alors que cette pratique est interdite. Résultat : la qualité de l’eau de Nestlé équivaut à celle de l’eau du robinet mais elle est vendue à un prix cent fois supérieur. Enfin, une semaine après ses révélations datant de la mi-avril, l’ONG suisse Public Eye montrait que les produits pour bébé Nestlé, vendus dans les pays émergents, contenaient plus de sucre que les mêmes vendus dans les pays occidentaux. La liste est longue et a terni, au fil de l’eau, la réputation du groupe.

Des actions en chute libre

Et le grand public n’est pas le seul à être échaudé. Le mois dernier le groupe a révisé ses perspectives de croissance à la baisse. Or depuis début 2022, l’action de Nestlé a considérablement chuté en Bourse avec une dégringolade de plus de 30% ! Dans son discours aux investisseurs, Laurent Freixe s’est ainsi voulu rassurant : “La priorité sera donnée à la croissance organique et aux gains de marché”, a-t-il avancé, ajoutant : “tout commence par renforcer la confiance en Nestlé”.

Convaincre à la fois les investisseurs et le grand public sera une tâche ardue, d’autant qu’au-delà des scandales, à long terme les activités même de Nestlé sont pointées du doigt. Lors de la dernière Assemblée générale, le 18 avril dernier, plusieurs actionnaires menés par l’ONG britannique Share Action, ont déposé une résolution contraignant le géant à se fixer un taux d’aliments sains dans son portefeuille de produits. Si la résolution a été rejetée, elle a été approuvée par 11% des actionnaires, un taux loin d’être dérisoire.

Sortir de la malbouffe

Il faut dire que les produits vendus par Nestlé sont loin d’être bons pour la santé. Et c’est lui-même qui le dit. Dans un document interne daté de 2021 et ayant fuité dans le Financial Times, le groupe reconnaissait que 60% des produits qu’il vendait étaient mauvais pour la santé. “Notre portefeuille est toujours sous-performant par rapport aux définitions externes de la santé dans un paysage où la pression réglementaire et les demandes des consommateurs montent en flèche”, commentait le document interne.

C’est d’autant plus vrai qu’aux Etats-Unis le groupe fait face à une double problématique : l’inflation, qui pousse les consommateurs à choisir des produits moins chers. Et les médicaments coupe-faim tirés par l’Ozempic, qui viennent détourner les citoyens des sucreries. Résultat, le groupe enregistre une baisse des ventes en volume de 1,5% sur un an en 2023.

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