Publié le 29 octobre 2020
SOCIAL
[Election US] Me too, Black Lives Matter…Face aux problématiques sociales, les entreprises américaines se rêvent en activistes
Après avoir défendu les femmes à la faveur du mouvement Me Too, les grandes entreprises américaines se sont affichées comme antiracistes et pro-Black Lives Matter après la mort de George Floyd, un Afro-américain tué lors d’une interpellation par des policiers blancs. Cette démarche, appelée "corporate activism" aux Etats-Unis, est dénoncée par des citoyens et experts comme étant une simple communication sans agir réellement sur les problèmes sociaux.

@Ted Eytan
Aux États-Unis, difficile pour une entreprise ou ses dirigeants de s’extraire du contexte social. Comme lors du mouvement #Metoo, dénonçant les agressions sexistes, le mouvement Black Lives Matter a libéré la parole sur les agressions racistes dans les entreprises et a amené ses dernières à prendre publiquement position en faveur d’une meilleure prise en compte des questions de justice et d’égalité raciale.
Amazon, HBO, Nike, Airbnb, Microsoft, Uber, Walmart ou Etsy…Très vite après la mort de George Floyd, un homme afro américain mort lors d’une interpellation policière, de nombreuses marques se sont engagées sur les réseaux sociaux à défendre la cause #BlackLivesMatter. Les géants du numérique comme Microsoft ont ainsi assuré qu’ils ne permettraient plus à la police américaine d’utiliser leurs logiciels de reconnaissance faciale, Facebook s’est engagé à verser 10 millions de dollars à des organisations militant pour la justice raciale et Nike a -un temps- changé son slogan en "Don’t do it".
Times square . Jamais vu. pic.twitter.com/ZREYAT1VXu
— LAURENCE HAIM (@lauhaim) June 2, 2020
Mais les critiques n'ont pas tardé à arriver. Plusieurs experts et citoyens estiment que ces entreprises se sont contentées d’une posture marketing, empruntant aux codes de l’activisme social, seulement destinée à faire vibrer la corde sociale de leurs clients. "Pour influencer le processus d’achat et créer de la fidélité, les marques essaient de s’éloigner d’un ‘marketing traditionnel’, qui se base autour du produit ou service, et se rapprochent d’un 'marketing activiste' autour de causes et convictions partagées par les consommateurs", décrypte sur The Conversation Nacima Ourahmoune, Professeur Associé en marketing et culture de consommation à Kedge Business School.
Une posture dopée par les prises de position de Donald Trump
Ce "corporate activism" ou activisme d’entreprise, se développe depuis les années 2000 face à une nouvelle demande des consommateurs et des employés de s’engager davantage sur les sujets sociétaux et environnementaux. En 2020, "92% des Américains veulent que les patrons s’expriment sur les sujets sociétaux" et 74% veulent qu’ils prennent la tête sur ces sujets sans attendre le gouvernement, assure le CEO d’Edelman, l’agence de relations publiques qui réalise chaque année l’étude de référence "Trust barometer". Et plus des deux tiers des consommateurs des pays occidentaux disent acheter les marques en fonction de leurs valeurs. Des chiffres records.
Mais aux Etats-Unis, c’est l’élection de Donald Trump en 2016 qui a donné une ampleur inédite au 'corporate activism'. Face aux prises de position radicales du président américain sur les questions environnementales et sociétales, les marques prennent de plus en plus position publiquement sur des sujets d’actualité. Outre Black Lives Matter, elles se sont notamment fortement mobilisées sur le changement climatique ou la défense des migrants "profitant du vide moral laissé par les Républicains", souligne un journaliste du New yorker, Jill Priluck’s. Au grand dam du président américain qui y voit un signe de "faiblesse" de la part des entreprises. "Elles le font juste parce que c’est la voie la plus simple", déclarait-il le 31 août.
Sur la question de l'égalité raciale, les entreprises américaines ont pourtant encore bien du chemin à faire. On ne compte que quatre PDG noirs dans le classement des 500 plus grandes entreprises américaines et seuls 3,3% des postes de direction sont occupés par des personnes noires, selon des données du gouvernement américain.
Béatrice Héraud @beatriceheraud