Publié le 12 octobre 2023
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Des limites de la cyberguerre : quand la réalité dépasse la fiction de la série Fauda à Gaza
La série israélienne Fauda (Chaos en arabe), diffusée sur Netflix, met en scène une unité des forces spéciales qui traque un leader terroriste du Hamas pendant quatre saisons. Lior Raz, son créateur qui est aussi le personnage principal, le commandant Doron Kabilio, est vraiment parti, sous les bombardements, secourir les populations attaquées par le Hamas dans le sud du pays. Jusqu’où la guerre israélo-palestinienne telle qu’elle est montrée dans la série reflète-t-elle la réalité ?

@Netflix
Lior Raz, ancien combattant des forces spéciales israéliennes dont la fiancée a été assassinée par un terroriste à Bethleem, a créé "Fauda" en 2014 pour parler aux Israéliens d’une réalité que beaucoup d’entre eux ne connaissaient pas forcément jusqu’aux attaques terroristes du Hamas déclenchées le 7 octobre. Sa série met en scène une unité spéciale chargée de se fondre dans la population arabe avec l’objectif d’arrêter un des chefs terroristes du Hamas surnommé "la panthère". Elle montre à la fois la très grande violence de la situation mais donne aussi l’impression, grâce à l’arsenal technologique utilisé, qu’Israël voit tout, entend tout via des écrans diffusant les images que des drones sophistiqués captent en permanence.
Fauda 4 trailer @issacharoff pic.twitter.com/83j9Ws67pl
— Lior Raz (@lioraz) December 28, 2021
Inspirée de faits réels, Fauda met en scène les missions d’une vraie unité d’infiltration de Tsahal, Duvdedan. Elle mène des opérations secrètes dans des villages palestiniens pour arrêter des terroristes. "Fauda", chaos en arabe est le mot de code utilisé pour alerter sur le danger imminent et la nécessité de s’enfuir.
La série a connu un grand succès international et des controverses puisque la campagne Boycott, Désinvestissement, Sanctions qui milite pour les Palestiniens en demandant des sanctions contre Israël, avait demandé à Netflix de supprimer la série dont elle estime "qu’elle sert l’armée d’occupation israélienne."
Lundi 9 octobre, la réalité a dépassé la fiction puisque Liov Raz s’est retrouvé sous les bombes à Xserot où, il a rejoint "ses frères d’armes" pour porter assistance aux populations dans le Sud du Pays.
Accompanied by Yohanan Plesner @yplesner and Avi @issacharoff , I headed down south to join hundreds of brave "brothers in arms" volunteers who worked tirelessly to assist the population in the south of Israel. We were sent to the bombarded town of Sderot to extract 2 families pic.twitter.com/WpM9JLeOZM
— Lior Raz (@lioraz) October 9, 2023
Sa courte vidéo postée sur Twitter a été vue plus d’1,3 million de fois.
Fauda et les limites de la technologie israélienne
À la question "Comment expliquer que l’arsenal de technologies de surveillance déployé par Israël n’ait pas permis de prévenir l’attaque terroriste de très grande ampleur du Hamas ?" Jean-Pierre Filiu, grand spécialiste de la région, invité par l’Institut Diderot à faire de la prospective sur le Moyen Orient en 2050, a répondu : "Fauda". Il souligne l’omniprésence de la technologie dans la série qu’il a regardée intégralement. "Elle donne une image d’Israël toute puissante qui voit tout à travers ses écrans de surveillance. Or si les deux premières saisons qui se déroulent en Cisjordanie sont crédibles, la troisième qui a pour cadre Gaza c’est du grand n’importe quoi !"
Connaissant très bien la bande de Gaza où il s’est rendu à plusieurs reprises, Jean-Pierre Filiu décrit le bourdonnement permanent des drones au-dessus du territoire mais explique que cela ne suffit pas à comprendre et connaitre une population. Il conclut : "L’attaque du Hamas montre que rien ne peut remplacer le renseignement humain, le contact véritable avec la population. Depuis 2007, les Israéliens n’entrent plus dans Gaza et ils ne connaissent ceux et celles qui y vivent, "Fauda" en est une illustration parfaite. La surveillance technologique ne peut pas tout remplacer."
L’exercice de prospective auquel s’est livré Jean-Pierre Filiu pour l’Institut Diderot est un autre genre de fiction basé sur les réalités des pays qu’il analyse depuis des décennies. Face à la spirale infernale où les massacres répondent aux massacres, il plaide pour une solution politique. Pour lui, seule l’Union Européenne aurait capacité à pouvoir mener une négociation de paix entre les Palestiniens et Israéliens autour de la solution à deux États.
Les défis de la région qu’il soit démographique avec des populations arabes et israéliennes qui ont sensiblement la même croissance et le même nombre ou lié à l’accès à l’eau ne peuvent se résoudre en laissant Israéliens et Palestiniens seuls face à face. Quoi qu’il arrive, les scénarios prospectifs de Jean-Pierre Filiu pour le Moyen Orient, du plus lumineux au plus sombre, sont une source d’inspiration pour les saisons à venir de "Fauda".
Anne-Catherine Husson-Traore, directrice des publications de Novethic