Publié le 14 novembre 2014
SOCIAL
En Allemagne, les PME créent des crèches pour retenir leur main-d’œuvre qualifiée
L’Allemagne doit faire face à un déficit démographique majeur. Véritables bombes à retardement pour ses caisses de retraite, le vieillissement de la population et l’insuffisance chronique des naissances impactent aussi le marché du travail. Berlin estime à 1 million le nombre d’emplois non pourvus. Les entreprises prennent cet enjeu économique très au sérieux et créent des crèches sur le lieu de travail afin de conserver leurs salariées qualifiées. Et ça marche : les "mères corbeaux", qui ont choisi de ne pas sacrifier leur carrière à leurs enfants, profitent de cette aubaine, dans un pays qui souffre d’un manque criant de structures d’accueil pour tout-petits.

© Boris Roessler / DPA / AFP
"Parce que nous donnons la possibilité aux femmes de retrouver leur poste de travail après la naissance de leurs enfants, nous pouvons conserver nos salariées qualifiées", se félicite Arnd-Gerrit Rösch, PDG de sa PME spécialisée dans la fabrication de textile professionnel.
Et son exemple a été suivi par de nombreux autres patrons de PME, à l’instar de l’équipementier Vaude, de l’installateur de parcs photovoltaïques et éoliens Juwi ou encore de Holtmann Messe GmbH, qui monte des installations dans les salons et les foires. "Nous prenons les devants par nos propres moyens afin de remédier à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée", fait savoir la porte-parole de Vaude.
1 million d’emplois à pourvoir
La formule "pénurie de main-d’œuvre qualifiée" revient sur toutes les bouches en Allemagne. Et pour cause: le déficit démographique conduit à un net recul du nombre de jeunes diplômés arrivant sur le marché du travail. Le taux de fécondité en Allemagne se situe à 1,3 ; pour assurer le renouvellement des générations, il doit s'élever à 2,1.
Cette pénurie, le ministère de l’Economie estime qu’elle pèse sur 1 million d’emplois non pourvus, 400 000 dans les PME de moins de 10 salariés, 550 000 dans celles de plus de 500 salariés. Parallèlement, ce sont 42% des PME qui considèrent le manque de personnel qualifié comme une entrave sérieuse au bon développement de leur activité.
Rappelons ici le poids des PME allemandes, la célèbre Mittelstand dans l’économie nationale: elles emploient près de 60% des quelque 26 millions de salariés. Par ailleurs, l’Institut de recherche IfM Bonn en comptabilise 3,71 millions qui génèrent un chiffre d’affaires total de plus de 6milliards d’euros.
Trois enfants sur cent ont une place en crèche
L’Allemagne paie au prix fort les fruits de plus de quarante années de conservatisme familial. Jusqu’à récemment, les mères qui travaillaient et faisaient garder leurs enfants étaient considérées comme des mères indignes: des mères corbeaux ("Rabenmutter"). La norme sociale voulait qu’une femme reste à la maison après la naissance de ses enfants, confiant au partenaire le rôle de père nourricier. Seulement, les femmes ayant suivi des formations n’avaient pas l’intention – et ne l’ont toujours pas – de mettre en péril leur capital: à choisir entre enfant et carrière professionnelle, ce sera la deuxième option.
Car en Allemagne, être mère tout en poursuivant sa carrière requiert une condition physique d’athlète: sur 100 enfants, 3 seulement obtiennent une place en crèche ! Depuis les années 2000, l’Allemagne renforce pourtant son offre: près de 6 milliards d’euros ont été consacrés à la création de crèches municipales et une enveloppe annuelle de 845 millions d’euros est prévue à partir de 2015. Mais aux yeux des PME, ces initiatives restent insuffisantes. Elles préfèrent prendre les choses en main.