Publié le 10 février 2021
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[Fashion Revolution] L'application Clear Fashion pousse les marques à la transparence
Ce n'est pas encore le Yuka de la mode mais elle en prend le chemin. L'application ClearFashion, lancée en 2019, permet désormais de scanner les étiquettes des t-shirts, jeans et autres vêtements de certaines marques. Une démarche inédite pour le secteur textile qui répond à une demande de plus en plus forte de transparence des consommateurs, notamment depuis le scandale des Ouïghours. Du boom de la seconde main à celui des applis de mode éthique, Novethic tisse la toile d'une mode plus durable.

Marina Fabre
C’est un geste devenu courant. Scanner un rouge à lèvres, du jambon, des plats préparés… Chaque jour, des millions de consommateurs cherchent à connaître l’impact sanitaire, environnemental, humain de produits en faisant leur course. Jusqu’ici, le textile était épargné. Mais ClearFashion vient de remédier à cette absence. L’application, lancée en 2019, permet désormais de scanner le code-barres des produits de plusieurs marques comme 1083, Gentle Factory ou Chantal Thomass. La fonction scan "repose sur la construction d’un algorithme d’évaluation validé par un comité d’experts indépendants : plus de 1200 pratiques sont analysées et 150 critères d’impact pris en compte", défend ClearFashion.
Si, pour l'instant, les internautes ne peuvent scanner que les produits d'une quinzaine de marques volontaires, les utilisateurs peuvent toujours aller sur l'application et retrouver les notes de plus de 380 marques. Ces dernières sont évaluées selon quatre critères basés sur l'environnement, les droits humains, l'impact sanitaire ou encore la souffrance animale. L’ambition est de devenir le Yuka de la mode. L’application spécialisée dans l’agroalimentaire connait en effet une vrai success story et a franchi la barre des 15 millions d’abonnés.
"Est-ce-que je veux soutenir l'esclavage moderne ?"
"C’est plus difficile de sensibiliser les consommateurs à la mode", concède, Rym Trabelso, cofondatrice de l’application. "Quand on achète une carotte bio, c’est pour notre santé qu’on le fait. C’est plus direct", explique-t-elle. Reste que le désir de transparence des consommateurs est de plus en plus grand. Et le scandale des Ouighours, cette minorité musulmane persécutée en Chine qui confectionnerait aujourd'hui un vêtement en coton sur cinq vendus dans le monde, a fait encore plus prendre conscience au grand public du manque de transparence du secteur. "Il y a besoin de cohérence. Quand on achète un t-shirt aujourd’hui la question qu’il faut poser est : est-ce que je veux soutenir l’esclavage moderne ?", interroge Rym Trabelso.
Pour éviter l'effet "tous pourris", ClearFashion veut ainsi guider les consommateurs en identifiant les marques les plus vertueuses de manière indépendante. "J'utilise l'application comme un comparateur de marques", explique Delphine, qui a téléchargé l'application récemment. "Le prix d'un produit reste un critère primordial mais si entre H&M et Zara j'arrive à savoir quel est le moins pire, c'est déjà ça...", confie-t-elle. Les géants de la fast fashion sont en effet répertoriées.
Pression sur les marques
Zara, par exemple, n'obtient quasiment jamais la moyenne avec 33/100 sur les risques environnementaux et humains par exemple. À titre de comparaison, H&M, descend à 29/100 sur l'environnement et remonte à 46/100 sur l'impact humain. Les petites marques engagées sont également passées au crible. On trouve la marque française Veja qui obtient la note de 86/100 quant à son impact environnemental mais 45/100 sur les animaux car elle utilise du cuir.
"L’intérêt principal de ces applications c’est qu’elles mettent la pression sur les marques", analyse Élisabeth Laville, du cabinet spécialisé dans le conseil en développement durable aux entreprises, Utopies. "Elles envoient un message clair aux marques : si vous ne donnez pas les informations aux clients, on va les donner", ajoute-t-elle. L’enjeu est primordial pour les marques alors que le marché du textile et de l’habillement a perdu 15 % de sa valeur depuis 2007. L’Institut français de la mode a même identifié une tendance à la "déconsommation".
Marina Fabre, @fabre_marina