Publié le 02 novembre 2017
SOCIAL
1000 euros par mois pendant un an : le revenu de base, financé par du crowdfunding, arrive en France
[Mis à jour le 2 novembre] La campagne de financement participatif est officiellement lancée ce jeudi 2 novembre. Plus de 6 000 euros ont déjà été collectés grâce à quelque 175 donateurs. L'objectif est d'arriver à un premier palier de 12 000 euros afin de verser un premier revenu de base en France. Une expérience inédite dans l'Hexagone. 1 000 euros seront ainsi versés pendant un an à une personne tirée au sort. L’initiative s'inspire d'une expérimentation lancée en Allemagne.

Pixabay
Le premier revenu de base a été financé 24 heures seulement après le lancement officiel de la campagne. L'association organisera prochainement un premier tirage au sort pour désigner le bénéficiaire de ce tout premier revenu de base en France (mis à jour le 3 novembre).
Le site (1) est déjà victime de son succès. Lancé officiellement aujourd'hui (mais Novethic vous l'annonçait dès la semaine dernière), les nombreuses connexions reçues ont fait exploser les serveurs. Signe que le revenu de base, qui a tant fait couler d'encre pendant la campagne présidentielle, continue de susciter de l'intérêt.
"Nous espérons verser le premier revenu de base avant Noël", précise Julien Bayou, conseiller régional en Ile-de-France, porte-parole d’Europe-Ecologie Les Verts, et désormais à la tête de la toute première expérimentation sur le revenu de base en France. "Notre objectif est d'interpeller l’opinion publique sur ce sujet et faire la preuve que c’est possible."
1 000 euros par mois seront versés pendant un an à une personne tirée au sort. Sans aucune distinction d’âge, de sexe, de ressources ou même de nationalité. Pour ce premier revenu de base, un peu plus de 6 000 euros ont déjà été collectés grâce à 175 donateurs, la moitié du chemin parcourue. Une soirée de lancement est organisée ce jeudi 2 novembre, de quoi accélérer la cadence et atteindre rapidement l'objectif. Puis à chaque fois que la somme de 12 000 euros sera collectée, une nouvelle loterie sera organisée.
S’interroger sur la vie qu’on veut
Le concept est tiré d’une initiative allemande (2) lancée il y a trois ans par Michel Bohmeyer. Ce trentenaire berlinois a touché une rente de 1 000 euros par mois après avoir revendu une startup qu’il avait co-créée. "Ça a totalement changé ma vie. Je me suis mis à vivre de manière plus saine, à mieux dormir, je suis devenu un meilleur père. Je suis devenu plus créatif, plus courageux. Je me suis mis à développer des qualités que je ne connaissais pas chez moi. La peur de manquer d’argent avait soudain disparu, je me sentais libre et décontracté", témoigne-t-il.
Très vite, il se penche sur l’idée du revenu de base, qui avait fait l’objet outre-Rhin d’une pétition soutenue par 50 000 personnes mais rejetée par le Bundestag. Grâce à un généreux don d’un homme d’affaires allemand, fervent défenseur du revenu de base, la première somme est réunie en trois semaines. Puis, en moins de trois mois, 50 000 euros sont collectés pour financer les premiers revenus.
Christoph, alors âgé de 26 ans, est le deuxième à avoir été tiré au sort. Il a quitté son travail peu épanouissant dans un centre d’appels pour suivre une formation d’éducateur. Milo, 5 ans, a lui aussi été tiré au sort. Pour ses parents, graphiste et photographe, c’est l’occasion de vivre plus détendus et de s’offrir leurs premières vacances en famille. "Cela permet de se poser les bonnes questions sur la vie qu’on souhaite mener", explique Jesta, 40 ans, une autre gagnante.
Personne n’est devenu fainéant
En trois ans, près de 75 000 personnes ont donné 1,5 million d’euros pour expérimenter 119 revenus de base. En moyenne, quatre revenus de base sont financés par mois. Un bon rythme de croisière. "Cette expérience est la plus aboutie à ce jour. Et on s’aperçoit que personne n’est devenu fainéant. Au contraire, les gens se relancent parce qu’ils n’ont pas besoin de s’inquiéter pour l’argent et qu’ils peuvent réfléchir à ce qu’ils veulent faire de leur vie", réagit Denise Greslard-Nedelec, vice-présidente de la Gironde, département très actif sur le sujet.
Malgré certains biais – l’expérience est limitée dans le temps et porte sur un trop petit échantillon pour être validée scientifique – "elle a le mérite de poser les bases d’une discussion", estime Nicole Teke, coordinatrice internationale du Mouvement français pour un revenu de base (MFRB). Au total, ce sont 700 000 Allemands qui ont été sensibilisés au sujet. "Cela permet à chacun de se sentir concerné par les possibilités qu’offre le revenu de base et ouvre la voie à une expérimentation à l’échelle nationale."
Le MFRB soutient ainsi l’initiative lancée par Julien Bayou. Le militant s’est également adossé à une chercheuse qui viendra valider la démarche et tirer des enseignements à partir des témoignages des personnes qui sont tirées au sort mais aussi qui s’inscrivent. "Nous savons qu’il va y avoir beaucoup de réactions et de critiques parce que ça touche à la conception du travail et du statut social, des choses très personnels, mais notre démarche est justement faite pour poser le débat." Le prochain tirage au sort en Allemagne est prévu le 15 novembre, en attendant de pouvoir s’inscrire sur le site français.
Concepcion Alvarez @conce1