Publié le 18 novembre 2020
SOCIAL
[Les raisons d’y croire] Des livreurs se regroupent pour créer des plateformes locales et indépendantes
Face à l’ubérisation de la livraison, les livreurs se prennent en main en créant leur propre plateforme. C’est le cas dans plusieurs villes : Nantes, Lille, Paris, Angers et maintenant Rennes. Des coopératives qui font figure de petits poucets face aux géants Uber ou Deliveroo mais qui permettent de concilier ce nouveau mode de consommation avec des valeurs écologiques et sociales.

@piksel
C’est un peu David contre Goliath : face à la déferlante de l’ubérisation dans le secteur de la livraison, de plus en plus de coursiers, las de leur précarisation croissante, ont décidé de prendre le taureau par les cornes et de créer leurs propres coopératives. Les expériences locales se multiplient : Bordeaux, Montpellier, Nantes, Lille, Paris… Ce mois-ci, c’est Rennes qui fait la Une, avec l’initiative des Coursiers Rennais. Le collectif d’une dizaine de livreurs va désormais offrir ses services aux restaurateurs de la capitale bretonne, à vélo.
Il a l’appui du meilleur pizzaiolo français 2014 qui s’est converti à la livraison grâce au collectif. Jusqu’à présent, celui-ci rechignait à s’y mettre "pour des raisons écologiques" mais aussi sociales. "On ne voulait pas cautionner que des livreurs soient payés au lance-pierre", explique ainsi le restaurateur au journal 20 minutes de Rennes. "Avec Deliveroo, nous n’avons aucune visibilité sur nos revenus. Les méthodes de calcul sont très complexes et dépendent de plein de critères. Parfois, on doit attendre cinquante minutes pour faire une course payée 2,50 euros. On ne peut pas s’en satisfaire", assure ainsi Hugo, l’un des fondateurs des coursiers rennais au même journal.
"Pas de courses-pas d'argent "
Cette situation est rendue encore plus compliqué et précaire avec la crise du Coronavirus. Avec la pandémie, le livreur est "confronté au dilemme cornélien de ne plus avoir de revenu ni de compensation ou risquer sa vie", analysent deux chercheurs de l’université de Lyon 2, Élisabeth Leblanc et Bruno Cuvillier dans le dernier numéro de la Revue des conditions de travail paru en juillet dernier.
"L'objectif n'est pas de remplacer Uber et Deliveroo mais de prouver qu'il est possible de faire autrement en s'appuyant sur deux jambes : le salariat et ses acquis sociaux pour mettre les travailleurs à l'abri dans un métier très accidentogène où règne l'autoentrepreneuriat. Et la maîtrise de l'outil de travail", détaille à l’AFP, Adrien Claude, coordinateur de CoopCycle, une fédération qui chapeaute une quarantaine de coopératives de ce genre à l’échelle européenne. Pour le moment, elle en recense une vingtaine en France.
La viabilité du modèle des Scop (société coopérative et participative) est aussi un argument pour obtenir le changement de statut des travailleurs de l’ubérisation. Celui-ci est balloté entre des décisions de justice contradictoires. Une mission gouvernementale lancée en janvier doit rendre prochainement ses conclusions sur la représentation des travailleurs des plateformes. Elle devrait donner lieu à un débat parlementaire en fin d’année.
Béatrice Héraud @beatriceheraud avec AFP