Publié le 18 mai 2020
SOCIAL
Le télétravail : nouvelle norme pour les entreprises ?
Avec le Covid-19, le télétravail s'est imposé durablement. En France, PSA souhaite désormais que ses salariés ne viennent au bureau qu'une fois par semaine. Aux États-Unis, Twitter autorise même ses employés à télétravailler à vie. Mais cet aménagement, qui exclut d'office les ouvriers, a montré par le passé ses limites. IBM, champion du télétravail, vient de faire machine arrière.

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Alors que 3 % de la population active avait expérimenté le télétravail avant l’épidémie, c’est aujourd’hui plus de 20 % des salariés qui ont basculé dans ce nouveau mode de travail. Et ce test géant pourrait avoir des conséquences à long terme dans les entreprises, surtout les grandes. Chez PSA par exemple, où le télétravail a été largement pratiqué pendant le confinement, le constructeur envisage désormais d’en faire la norme. "Les enseignements issus de l’application du télétravail généralisée pendant la crise permettent d’accélérer la transformation des modes de fonctionnement de l’entreprise (…)", a fait valoir Xavier Chéreau, le DRH du groupe qui a annoncé les principes de la "New Era of Agility", La nouvelle ère de l’agilité.
Concrètement, le groupe souhaite que la présence au bureau des salariés soit limitée à une journée voire une journée et demie par semaine en moyenne. "Ce projet présente le double bénéfice d’un meilleur équilibre de vie professionnelle et personnelle pour les salariés concernés par une réduction de la fréquence et de la durée des trajets domicile-travail", justifie-t-il. Une démarche qui se couplerait avec un passage au "flex office", des bureaux tournants qui permettrait à PSA de réaliser des économies de loyers et de baisser son empreinte carbone immobilière. Et le constructeur n’est pas le seul à s’engager dans cette voie.
Twitter autorise le télétravail à vie
Aux États-Unis, Google et Facebook ont proposé aux salariés de télétravailler jusqu’en 2021. Et Twitter va encore plus loin. Pour certains salariés, le télétravail sera autorisé à vie. "Si nos employés ont un rôle et une situation qui leur permettent de travailler de chez eux et qu’ils veulent le faire indéfiniment, nous rendrons cela possible", a déclaré un porte-parole de Twitter à l’AFP. Des mesures qui devraient satisfaire les salariés. En France par exemple, près de six nouveaux télétravailleurs sur dix envisagent de "demander à pratiquer le télétravail après le confinement, de manière régulière ou ponctuelle", rapporte un sondage CSA pour Malakoff Humanis publié début mai.
Mais un tiers rapporte aussi une détérioration de la qualité de leur sommeil et près de la moitié ont dû mal à "se déconnecter du travail". S’il est vrai que les conditions dans lesquelles le télétravail a été imposé n’étaient pas idéales, ces points noirs du travail à distance sont récurrents. Surtout, ce mode de travail est facteur d’inégalité. Selon l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), ce sont surtout les cadres et les professions intermédiaires qui ont profité du télétravail. Les ouvriers dans les ateliers et les usines, tout comme les employés des métiers du bâtiment, de la santé, de la restauration, de l'éducation en sont de fait exclus.
Sur le télétravail, IBM fait marche arrière
Et chez PSA, la poursuite du télétravail hors Covid-19 n’est envisagée que pour les activités tertiaires, commerciales et de R&D. En revanche, ce ne sera pas possible pour les activités liées directement à la production. "Attention à ne pas créer de décalage ou de fracture entre les fonctions tertiaires et R&D et les équipes engagées au plan industriel et opérationnel", met ainsi en garde Olivier Lefebvre, délégué central de Force Ouvrière chez PSA. D’où la proposition du spécialiste du télétravail, Systancia. Dans une tribune publiée dans Les Échos le président du directoire, Christophe Corne, appelle à une journée télétravaillée par semaine avec une "compensation ainsi qu’une marque d’attention forte de la Nation envers ceux qui ne seront pas éligibles à ce télétravail".
Et attention également à ne pas reproduire les erreurs du passé. L’exemple d’IBM est frappant à cet égard. Le géant de l’informatique a pendant longtemps été un champion du télétravail mais en 2017, il a sonné le rappel des troupes. Tous les salariés ont été invités à revenir dans les locaux. Même démarche chez Yahoo, lui aussi à l’avant-garde du télétravail. Les deux géants ont constaté un manque de créativité généré par l’isolement, mais aussi une atteinte à la cohérence de l’entreprise et à sa culture. Une expérience du "tout-télétravail" qui doit servir de mise en garde pour les entreprises françaises tentées de suivre ces traces.
Marina Fabre, @fabre_marina