Publié le 16 octobre 2023
SOCIAL
Conférence sociale sur les bas salaires : l'entreprise de conseil Accenture touchée par une grève inédite
Syndicats et organisations patronales doivent se rencontrer ce lundi 16 octobre autour de la Première ministre Elisabeth Borne pour une conférence sociale sur les bas salaires. Le sujet cristallise les tensions alors que l'inflation continue de grignoter le pouvoir d'achat des salariés. Une situation qui a poussé les salariés du grand cabinet de conseil Accenture à faire grève pour la première fois. Novethic les a suivis.

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Bleu, orange, rouge... Les drapeaux de tous les syndicats du groupe Accenture France s'agitaient devant les locaux parisiens vendredi 13 octobre au matin. À quelques jours de la conférence sociale consacrée ce lundi 16 octobre aux bas salaires, la banderole à l'entrée clame le mot d'ordre de la mobilisation : "Accenture en grève pour les salaires". C'est une première en France pour l'entreprise spécialisée dans le conseil qui compte plus de 738 000 salariés dans 120 pays.
L'intersyndicale demande une augmentation générale des salaires de 6% "afin de compenser l'inflation" et pour "reconnaître leur investissement et leur participation active à la croissance d'Accenture". Or le groupe n'a accepté d'augmenter que les promus, soit 8% seulement de l'effectif. De plus, le nombre de promotions s'est réduit par rapport aux années précédentes et s'avère nul dans les fonctions supports. Un durcissement estimé injuste par l'intersyndicale face aux performances de l'entreprise.
Une croissance élevée
Les résultats sont en effet bons pour Accenture. "8% de croissance, 15,4% de marge opérationnelle, 4,3 milliards de rachat d'actions par les actionnaires et des dividendes en hausse de 15%", liste le communiqué de l'intersyndicale. "Chaque année, le groupe affirme vouloir être prudent et manquer de visibilité pour la suite, mais chaque année, nous constatons des résultats à deux chiffres", témoigne Valérie Quehen, déléguée syndicale CFDT et employée chez Accenture depuis 26 ans.
Le ressentiment vient aussi des écarts de salaires. "1 162 cadres dirigeants se répartissent 42% du montant des salaires,", poursuit Valérie Quehen. Dans certains postes, les promotions sont rares et le salaire n'augmente pas. C'est le cas en particulier des fonctions support, par exemple les ressources humaines, la finance et le marketing. Le salaire d'entrée, 24 000 euros brut, peut stagner longtemps. "Certains nouveaux arrivants gagnent plus que des anciens, témoigne Jérôme Chemin, délégué syndical CFDT. C'est difficile de motiver les équipes dans ces conditions". Plusieurs salariés craignent que le blocage des salaires n'entraîne aussi une augmentation du turnover et une dégradation de la qualité du service rendu.
Trois milliards investis dans l'intelligence artificielle
En mars dernier, la directrice générale au niveau mondial avait en outre annoncé la suppression de 19 000 postes dont près de 200 en France. Là encore, les fonctions supports sont les premières touchées avec des prévisions de délocalisation dans des pays à plus faibles coûts et un remplacement de certaines tâches par l'intelligence artificielle. "Actuellement, nous devons lister les différentes tâches que nous réalisons au quotidien afin que les compétences soient transférées ailleurs, c'est une charge mentale", témoigne une salariée dans une fonction support qui préfère rester anonyme.
Accenture a annoncé investir trois milliards de dollars dans l'intelligence artificielle. "Cela fait beaucoup d'informations négatives, il y a un mépris de plus en plus flagrant pour les salariés", juge Valérie Quehen. Contactée par Novethic, la direction d'Accenture n'a pas répondu à nos demandes. Le groupe se contente d'affirmer être "engagé dans une culture d'égalité" et payer à chacun le même salaire pour les mêmes postes, se vantant d'être arrivé, en 2022, à 100% d'équité entre les femmes et les hommes.
Cette grève au sein d'Accenture vient s'ajouter à un mouvement national "contre l'austérité, pour l'augmentation des salaires et l'égalité femmes-hommes" qui touche de nombreux secteurs d'activités comme les transports, l'éducation mais aussi les cabinets de médecins généralistes. La conférence sociale qui se tient ce lundi 16 octobre doit apporter des réponses. "Le cœur de cette conférence sera la progression des rémunérations et des parcours professionnels", explique la cheffe du gouvernement dans un entretien à La Tribune dimanche.