Emmanuel Macron a déjoué tous les pronostics. Après la démission attendue d’Édouard Philippe ce vendredi 3 juillet, beaucoup d’observateurs attendaient la nomination à Matignon d’une femme et/ou d’une figure portant des valeurs écologiques fortes. Plusieurs noms avaient circulé : Florence Parly, ministre des Armées, Nathalie Kosciusko-Morizet, ancienne ministre de l’Environnement, et même Laurence Tubiana, l’une des architectes de l’Accord de Paris. Mais c’est finalement le nom de Jean Castex qui est sorti du chapeau.
En désignant cet énarque de 54 ans, maire Les Républicains de Prades dans les Pyrénées-Orientales, Emmanuel Macron ne fait pas le choix de répondre à la déroute de LREM aux municipales et à la vague verte. Il maintient le cap engagé lors du déconfinement. C’est en effet un homme de confiance d’Emmanuel Macron et d’Édouard Philippe à qui ils ont confié le 2 avril la mise en place du plan de déconfinement français. C’est lui qui a établi les étapes afin de concilier sécurité sanitaire et relance économique sans trop tarder.
Un travail qui a convaincu Emmanuel Macron, puisqu’il confie à l’homme de droite les commandes d’une France à l’aube d’une crise économique. Après un sincère hommage à son prédécesseur, le nouvel hôte de Matignon lance : "La crise économique et sociale est déjà là. les priorités vont évoluer et les méthodes devront être adaptées. Nous devons préparer la nation contre cette crise qui s’installe et en sortir plus forts et plus solidaires".
Un habitué du dialogue social…
Auparavant délégué interministériel à la préparation des grands événements sportifs – dont les JO de 2024 -, le nouveau Premier ministre va donc oeuvrer à déployer le futur plan de relance français post-covid. Alors que la crise des Gilets jaunes demeure et que de massifs plans de licenciement sont en cours, Emmanuel Macron compte sur Jean Castex pour éteindre les incendies. C’est un habitué du dialogue social, en tant qu’ex-directeur de cabinet au ministère du Travail, puis secrétaire général adjoint à l’Élysée à la fin du mandat de Nicolas Sarkozy.
Jean Castex a bonne réputation auprès de Jean-Claude Mailly, l’ex-numéro un de FO et de l’ex-secrétaire général de la CGT Bernard Thibault. Il avait travaillé avec ce dernier sur le service minimum dans les transports, la réforme des régimes spéciaux et la TVA sociale. Plus globalement, il laisse à l’époque chez ses interlocuteurs des centrales syndicales le souvenir d’un homme "disponible" et "avenant" même s’il "cache une certaine fermeté", avec "une excellente connaissance de ses dossiers", rapporte l’AFP.
… et de la santé
Je connais et j’apprécie les qualités de serviteur de l’Etat de @JeanCASTEX. Elles seront indispensables dans les moments difficiles que nous allons connaitre… Puissent-elles corriger les mauvais choix du Président de la République. #remaniement
— Xavier Bertrand (@xavierbertrand) July 3, 2020
Avec Jean Castex et son directeur de cabinet Nicolas Revel, ancien secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Hollande et actuel directeur de la Caisse nationale de l’assurance-maladie, c’est bien le sujet la crise de l’hôpital et du Ségur de la santé (actuellement suspendu en raison du remaniement) qu’Emmanuel Macron veut régler. Car le nouveau Premier ministre est connaisseur de ces questions. En 2005, Jean Castex prend la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (DHOS) et mettra en place la première baisse des tarifs hospitaliers. Il devient ensuite directeur de cabinet de Xavier Bertrand au ministère de la Santé (2006-2007). "Le premier plan pandémie, c’est Jean Castex qui est dircab" à l’époque du virus H5N1, rappelle Xavier Bertrand.
.@JeanCASTEX est le nouveau Premier Ministre.
Je lui souhaite la réussite pour le pays mais, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne l’a pas souvent entendu parler d’#écologie avant ce jour…
— Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) July 3, 2020
Reste la question des engagements de la France en matière de transition écologique et la capacité à apporter une réponse à l’aspiration des citoyens pour un modèle économique plus durable et résilient. Des thématiques sur lesquelles Jean Castex ne s’est jamais exprimé ou pour lesquelles il ne semble pas avoir d’expérience spécifique. L’ancien député LREM Matthieu Orphelin écrit sur Twitter : "Je lui souhaite la réussite pour le pays mais, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on ne l’a pas souvent entendu parler d’#écologie avant ce jour…" Dans ce cadre, le choix qu’il fera au ministère de la Transition écologique sera clé, car le ou la ministre qui occupera ce poste sera seul maître à bord. Au début du quinquennat, Emmanuel Macron avait réussi à attirer Nicolas Hulot, il faudra faire aussi bien cette fois-ci.
Ludovic Dupin, @LudovicDupin