Publié le 03 juillet 2020
POLITIQUE
Remaniement : Édouard Philippe démissionne après trois ans de gestion de crise
Vendredi 3 juillet, le Premier ministre Édouard Philippe a remis sa démission et celle de son gouvernement. Qu’il soit renommé ou pas à Matignon, le Maire du Havre a connu trois premières années compliquées en affrontant de nombreux obstacles, à commencer par les Gilets Jaunes ou la réforme des retraites, jusqu’à la crise du Covid-19. Pourtant, il en ressort avec une popularité élevée, au-dessus de celle du Président de la République. C’est son manque d’engagement historique pour l’écologie qui pourrait pousser Emmanuel Macron à ne pas le renommer.

@PhilippeLopez/AFP
Sorti indemne du Covid-19
Ne pas mentir, ne pas donner de faux espoirs et être ferme. Telle a été la position du Premier ministre durant toute la crise du Covid-19. C’est lui qui, dès le 14 mars, annonçait la fermeture des "lieux recevant du public non indispensable à la vie du pays". Alors que l’épidémie enfle dans le pays, il déplorera avoir "vu trop de gens dans les cafés, les restaurants". Par la suite, il réalisera plusieurs – longues - conférences pour présenter l’état du territoire et l’évolution des règles du confinement. Les polémiques touchant la disponibilité des masques, celles sur les moyens de l’hôpital ou sur le déploiement des tests ne le viseront que peu, visant plutôt directement Emmanuel Macron ou l’ancienne et l'actuel ministres de la Santé : Agnès Buzyn et Olivier Véran.
Fraîchement converti au vert
Édouard Philippe cite régulièrement l’ouvrage "Effondrement" de Jared Diamond comme celui qui l’a converti aux questions environnementales. Mais le départ de Nicolas Hulot, fin août 2018, a sans doute accéléré cette conversion verte. Marches pour le climat, Affaire du siècle, la pétition la plus signée de l’histoire, recours contre l'État pour inaction climatique : l’ancien juppéiste, qui avait voté contre les lois Transition énergétique et Biodiversité, a changé son fusil d’épaule. Son gouvernement a ainsi été à l’origine de l'annulation de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, du projet Montagne d’Or en Guyane ou encore du méga complexe Europacity en Île-de-France.
Dépassé par la crise des Gilets jaunes
Ce sera l’un des gros points noirs de cette première partie du quinquennat, la gestion de la crise des Gilets Jaunes qui aura enflé depuis novembre 2018 et n’aura fini par s’apaiser qu’avec le confinement du pays. En décembre, il essaiera en vain de calmer la colère en annonçant entre autres un moratoire de six mois sur la hausse de la taxe carbone, sur l'essence, le fioul et le diesel. Il évoquera aussi des États-généraux de la fiscalité sans réelles suites. Au final, la réaction sera trop tardive et trop faible face à une colère qui ne retombera pas.
Une réforme des retraites inachevée
Près de trois mois de contestations sociales et de grèves. C’est ce que l’on retiendra de la réforme des retraites tentée par le gouvernement d’Édouard Philippe. Principe de retraite par point, suppression des régimes spéciaux ou fixation d’un âge de départ à 64 ans pour bénéficier d’un taux plein, toutes les mesures suscitent le rejet d’une partie des Français. La réforme finit par passer en première lecture à l’Assemblée nationale, mais au moyen de l’article 49.3. La crise sanitaire et le confinement, le 17 mars, mettent un terme à la procédure législative, dont le sort reste encore en suspens. Édouard Philippe ne mènera donc pas la réforme à son terme.
Une économie et une finance plus responsable… déléguées aux ministres
Sur l’économie, le mandat d’Édouard Philippe aura été marqué par une grande loi de transformation, la loi Pacte, et une gestion de crise puis de relance inédite due au Covid-19. Les deux s’inscrivent dans une logique de "capitalisme durable" avec la création des sociétés à mission, de produits d’épargne plus responsables ou la conditionnalité des aides d’État à une stratégie environnementale. Mais le portage de ces deux temps forts a été totalement délégué au ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire. Il a aussi laissé le champ libre à Christophe Itier sur l’Economie sociale et solidaire.
Résigné au recul du nucléaire et du charbon
Les sujets énergétiques auront été délicats pour le Premier ministre. En tant que maire, il est sensible au cas de la centrale au charbon du Havre. Et ayant officié chez Areva, il a un avis favorable sur le nucléaire. Or il héritera des chantiers inachevés du quinquennat Hollande sur la fin du charbon et la réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025 en France. Pour le charbon, la promesse est tenue puisque les quatre dernières centrales à charbon seront stoppées en 2022. Pour le nucléaire, c’est un décalage de 10 ans de l’objectif qui a été décidé. Retard qui passera sans difficulté car ce sera le populaire ministre de la Transition écologique Nicolas Hulot qui en fera l’annonce.
Faire tourner l’économie circulaire plus rond
"Arrêtons avec l’idée que l’économie circulaire, le réemploi, le recyclage, ce serait un truc de bobo". Le Premier ministre qui promeut une "écologie souriante" a, sous son mandat, soutenu plusieurs mesures fortes dans la loi économie circulaire à l’instar de l’interdiction de destruction des invendus non alimentaires ou de l’indice de réparabilité pour lutter contre l’obsolescence programmée. Mais cette écologie du quotidien a parfois été raillée pour son manque d’ambition, notamment lorsque le gouvernement a annoncé l’objectif d’atteindre "zéro plastique à usage unique d’ici 2040", un délai jugé beaucoup trop long.
Pesticides et glyphosate, une épine dans le pied
C’est un lourd dossier qui ne trouve pas d’issue. Alors qu’Emmanuel Macron avait promis en 2017 d’interdire le glyphosate d’ici 2020, le gouvernement a ensuite reculé, petit à petit, face à la fronde du monde agricole. Et c’est Édouard Philippe qui a eu la lourde charge de clarifier ce sujet en martelant qu’un arrêt brutal de l’utilisation de l’herbicide n’était pas possible. Il avait même tenté de réunir sur une position commune Nicolas Hulot, ministre de l’Écologie, et Stéphanie Travert, ministre de l’Agriculture, en vain. Finalement, le glyphosate n’est toujours pas interdit et surtout, l’utilisation des pesticides reste conséquente.
La Rédaction