Publié le 02 juin 2020
POLITIQUE
[Édito] Consommez, consommez et la relance viendra… ou pas
Les ministres du Travail et de l’Économie multiplient les appels à la consommation pour relancer la machine France, encalminée par deux mois de confinement. Au vu de l’absence remarquable de clients ce long week-end dans les magasins où ils étaient attendus à bras ouverts par des commerçants prêts à leur offrir un festival de promotions, le pari est loin d’être gagné. Épargner ou consommer, les Français semblent préférer la première option pour affronter la récession, au risque de l’aggraver.

@ACHT
La sortie du confinement va-t-elle ramener par magie les clients dans les magasins ? C’est ce qu’espère très fort Bruno Le Maire, le Ministre de l’économie et des finances qui voudraient voir consacrés à la consommation "les 55 milliards d’épargne accumulée pendant le confinement". De son côté Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a lancé un vibrant appel vendredi sur radio Classique à la veille du week-end de trois jours : "il faut en tant que Français qu’on ose consommer, qu’on ose ressortir, maintenant qu’il y a les conditions sanitaires".
Les trois jours de repos suivants offraient aux Français la possibilité d’exaucer ses vœux. Ils avaient le droit de sortir, les commerçants rivalisaient de messages accueillants et de protocoles sanitaires rassurants. Las, à Paris en tout cas les habitants se sont rués vers les Parcs et Jardins enfin accessibles et ont délaissé les magasins où chaque, rare, client avaient ainsi plusieurs vendeurs ou vendeuses à sa disposition.
Ce premier test est loin d’être concluant à l'exception des marques phares pour adolescentes prêtes à faire deux heures de queue pour obtenir une petite robe des mains de vendeuses exténuées par les protocoles sanitaires. Ce phénomène observable samedi rue de Rennes à Paris reste limité dans ses impacts économiques puisque par nature les adolescents ne gagnent pas leur vie et disposent au mieux de budget restreint alloué par leurs parents.
Payer pour consommer
Alors pour faire revenir leurs clients les commerçants utilisent toutes les techniques marketing possibles : coups de fil personnalisés aux meilleures clientes, déluges de mails et de SMS annonçant des promotions tous azimuts. -30 % des deux produits achetés chez le parfumeur Marionnaud, -50 % pour les vêtements Gerard Darel ou les chaussures Eram… Si elles s’expliquent par les besoins de déstockages massifs, ces baisses de prix peuvent amener un scénario catastrophe où il faudrait quasiment "payer" les consommateurs pour qu’ils achètent des tonnes d'invendus... Même la fête des mères a été décalée au 7 juin pour permettre à tous ceux qui le voudraient non seulement de faire plaisir à leurs mamans mais surtout de relancer le commerce.
Tous ces efforts pour revenir au monde d'avant et redonner à la consommation son rôle de moteur de la croissance, oubliant au passage que les crises à répétition laissent des traces et que le pari de relancer l’économie par la consommation reste très osé ! S’il est perdu, la récession sera encore plus terrible et destructrice d’emplois qu’annoncée. Ce serait dommage de ne pas essayer de tirer les leçons d’un changement radical de comportement des Français pour repenser le modèle économique et favoriser une relance vers des modèles plus durables et résilients. C’est tout l’espoir que pourrait faire naître le futur plan de relance promis pour la rentrée !
Anne-Catherine Husson-Traore, @AC_HT, Directrice générale de Novethic