Publié le 25 juillet 2023
NUMÉRIQUE
Threads, Mastodon, Bluesky... : Nos vies (pas toujours) privées chez les concurrents de Twitter X
"Si c'est gratuit, tu es le produit". L'adage se révèle plus vrai que jamais pour le nouveau réseau social Threads, concurrent direct d'X - le nouveau nom de Twitter. Malgré une entrée fracassante dans les app stores du monde entier, le petit nouveau se heurte aux fortes exigences de l'Europe en matière de protection de la vie privée des utilisateurs. D'autres réseaux sociaux tentent d'amener des pratiques plus responsables.

@Asamat E / Threads
L'oiseau bleu de Twitter s'envole au profit de la nouvelle insigne X. Derrière ce changement d'identité graphique, Elon Musk, l'homme à la barre, préfigure de nouveaux projets. Cependant, un sérieux concurrent pourrait lui voler la vedette. Threads, une copie presque conforme lancée le 10 juillet par Meta, l'entreprise mère de Facebook, connaît un succès fulgurant : 150 millions de téléchargements en une semaine. L'ascension est 5,5 fois plus rapide que l'application Pokemon Go, qui détenait jusqu'ici le record, selon Data.ai, spécialiste de l'analyse de marché des applications mobile.
Le groupe Meta profite d'un désamour pour Twitter depuis son rachat par Elon Musk. Licenciements massifs, politique de laissez-faire pour les contenus violents et les fake news, rémunération controversée de certains créateurs de contenus... Nombreux sont les utilisateurs en quête d'alternatives plus responsables. Twitter a ainsi perdu environ la moitié de ses recettes publicitaires, a avoué le propriétaire.
Mais l'adversaire Threads présente déjà des ombres au tableau. L'application n'est pas disponible dans les pays européens. En cause, la confidentialité des données. Des informations sensibles concernant la santé ou les informations financières sont ainsi susceptibles d'être collectées, avertit Threads dans sa page de téléchargement aux États-Unis. Une pratique incompatible avec les réglementations européennes.
Un nombre incalculable de données collectées
Un compte Threads doit également être lié à un compte Instagram, ce qui pose problème en Europe. "Le Digital Markets Act interdit aux plus grandes plateformes de contenu de combiner des données à caractère personnel entre leurs différents services sans avoir le consentement des utilisateurs", explique auprès de Novethic Laure Landes-Gronowski, avocate spécialisée en droit numérique chez Agil'it. Rob Sherman, le responsable de la confidentialité de Threads reste évasif sur le sujet. Il a évoqué à La Presse Canadienne des "exigences réglementaires qui n'ont pas encore été clarifiées".
Meta subit de plus en plus de pressions règlementaires. En mai 2023, le géant américain a été condamné à une amende record de 1,2 milliard d'euros par la Commission de protection des données d'Irlande, où siège l'entreprise de Marc Zuckerberg, pour avoir réalisé de la publicité sur des données sensibles. "L'entreprise n'est déjà pas dans les clous, ce n'est pas le moment de lancer Threads en Europe", juge Laure Landes-Gronowski.
Meta, qui possède aussi What's app, Instagram et Facebook, réunit un nombre impressionnant de données. Le géant peut aussi y associer les comportements sur les applications "partenaires", c'est-à-dire qui utilisent les services de Meta pour faire leur publicité. Et elles sont nombreuses : en France, 26% du marché de la publicité en ligne se trouve sur les réseaux sociaux selon l'Observatoire de la publicité en ligne.
Haro sur le ciblage publicitaire
Interrogée par Novethic, la CNIL liste les nombreux risques du ciblage publicitaire pour les utilisateurs : "discrimination et exclusion", "exposition à la désinformation", "renforcement de la polarisation politique", "perte de contrôle" lorsque des caractéristiques d'une personne sont déduites sans consentement... Des raisons de souveraineté européenne sur le numérique poussent aussi l'Europe à limiter le pouvoir des Gafam. "Grâce à une connaissance fine des besoins des citoyens, les géants du numérique américains peuvent proposer des produits plus en avance que nous", explique à Novethic Claire Poirson, avocate fondatrice du cabinet Firsh dédié à l'innovation.
D'autres réseaux sociaux tentent de tirer leur épingle du jeu en promettant de récolter moins d'informations. C'est le cas de Bluesky et Mastodon, liste le média spécialisé Wired. "Mastodon est un projet utopique, non lucratif, qui, contrairement à Meta, n'a pas la volonté d'encourager les communications pour proposer plus de publicités", nous explique Corinne Henin, experte en cybersécurité. Cependant, il faut faire attention à sélectionner un serveur de confiance sur Mastodon. Ces réseaux ne peuvent pas non plus s'affranchir des risques de failles de sécurité et de collecte du contenu public pour de l'usurpation d'identité ou des objectifs publicitaires. Sur ces sujets, seule la sobriété d'usage protège les utilisateurs.