Publié le 12 juin 2020

NUMÉRIQUE

La France choisit Microsoft pour héberger ses données de santé et créé la polémique

C'est un choix qui ne passe pas. Le gouvernement a décidé d'héberger les données de santé des Français de la plateforme Health Data Hub chez Microsoft au détriment d'entreprises françaises comme OVH. Un risque pour la protection des données personnelles qui fait polémique alors que la question de la souveraineté numérique française a été mise en lumière avec la crise sanitaire et le développement de l'application StopCovid.

Microsoft donnees de sante francais istock
Selon le Cloud Act, la justice américaine peut avoir accès aux données hébergées par les entreprises états-uniennes même si celles si sont localisées en dehors du pays.
Istock / lcva2

Alors que la France a refusé de s’appuyer sur Apple et Google pour développer son application StopCovid, au nom de la souveraineté numérique et de la protection des données, elle a pourtant fait le choix de Microsoft pour déployer l’importante plateforme Health Data Hub. Cette dernière va permettre de collecter massivement les données de santé des Français dans le but d’aider la recherche médicale. Elle va ainsi regrouper les données médico-administratives de l’Assurance-Maladie et des hôpitaux, les informations cliniques ou encore les statistiques sur les causes des décès en France. 

Répondant aux inquiétudes de la sénatrice Catherine Morin Dessailly, le secrétaire d’État en charge du numérique, Cédric O a justifié le choix de Microsoft. "Avec les solutions françaises, étant donné le retard européen dans le cloud, que je regrette profondément, nous n’avions pas la possibilité de faire tourner les algorithmes d’intelligence artificielle aussi développés sur l’infrastructure française que sur l’infrastructure américaine", a-t-il fait valoir mettant en avant le "choix cornélien" entre "efficacité sanitaire" et "question de la souveraineté". 

Colère de OVH

Un tacle que n’a pas apprécié le président du fournisseur de cloud français OVH, Octave Klaba, qui, dans un tweet, a dénoncé la "peur de faire confiance aux acteurs français" et le "lobbiyng de la religion Microsoft".

Même le lanceur d’alerte américain Edward Snowden s’est ému de ce choix estimant que le gouvernement français a "capitulé" face au "cartel du Cloud". 

Il faut dire que les risques pointés sont importants. La loi américaine Cloud Act prévoit en effet depuis 2018 que la justice puisse avoir accès à des données hébergées par des entreprises américaines même si elles sont installées à l’étranger. Or cela fait des années que les entreprises américaines lorgnent sur les données de santé des Français.

La directrice du Health Data Hub, Stéphanie Combes, a cependant laissé la porte ouverte aux entreprises françaises. "Nous ne sommes pas pieds et poings liés à Microsoft", a-t-elle déclaré au Point. "Nous pourrions tout à fait nous appuyer sur d’autres acteurs. Nous n'avons pas d'engagement contractuel sur plusieurs années qui nous enferme dans ce choix. Il faudrait simplement qu'il existe chez l'acteur vers lequel nous ferions la bascule les mêmes fonctionnalités". Malgré cette tentative de rassurer les plus récalcitrants, ce choix ne passe pas. 

"Une atteinte grave aux droits des Français"

Selon Mediapart, plusieurs collectifs comme le Syndicat de la médecine générale (SMG), l’Union française pour une médecine libre (UFML) ou encore le collectif InterHop ont déposé un référé libéré devant le Conseil d’Etat estimant que Health Data Hub "porte une atteinte grave et sûrement irréversible aux droits de 67 millions d’habitants de disposer de la protection de leur vie privée notamment celle de leurs données parmi les plus intimes, protégées de façon absolue par le secret médical : leurs données de santé".

Avec l’explosion des outils digitaux pendant le confinement, les acteurs du numérique français ont pourtant cru à un tournant sur les enjeux de souveraineté numérique. Dans une tribune publiée dans le Journal du Net, plusieurs d’entre eux ont appelé la France à se détacher de cette "dépendance totale aux plateformes globales" comme Apple, Amazon, Microsoft etc. "Notre dépendance devient non seulement économique, mais aussi sociétale et obère nos libertés fondamentales", soulignaient-ils. 

Marina Fabre, @fabre_marina


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