Publié le 17 juillet 2019
NUMÉRIQUE
G7 Finance : Libra, la cryptomonnaie de Facebook inquiète les États
Les ministres des Finances du G7, réunis à Chantilly ces deux prochains jours, vont se pencher sur la cryptomonnaie que veut lancer Facebook l’année prochaine. Les ministres et autorités de régulation veulent plus de détails sur le projet de cryptomonnaie. Ils craignent l’ampleur qu’il pourrait prendre, du fait des milliards d’abonnés au réseau social et à ses filiales, et au risque que cela pourrait faire peser sur les monnaies souveraines.

@CHENG FENG CHIANG
Le projet Libra, la monnaie numérique de Facebook, s’invite au menu des réunions des ministres des Finances du G7. Réunis pendant deux jours à Chantilly (Oise), ce mercredi 17 juillet midi jusqu’au jeudi 18 juillet midi, ils vont tenter de décrypter les impacts de la cryptomonnaie sur la stabilité du système financier mondial.
La Libra n’est pas une cryptomonnaie comme les autres. "La dimension systémique du projet dépasse nos préoccupations habituelles liées à la protection du consommateur ou à la lutte contre le blanchiment d’argent, explique-t-on à la Banque de France, qui participe au G7 Finances. Il ne faut pas que les régulateurs se retrouvent à la traîne du projet, nous devons en avoir une compréhension commune."
2 milliards d’utilisateurs potentiels
La cryptomonnaie, que Facebook prévoit de lancer dans le courant du premier semestre 2020, doit permettre l’échange d’argent entre les membres du réseau social et l’achat de biens et services. Elle sera basée sur une blockchain privée, partagée par les entreprises partenaires de Facebook réunies dans une fondation suisse.
L’inquiétude des gouvernements vient de l’ampleur potentielle du projet. Facebook fait déjà l’objet d’appels au démantèlement du fait de sa taille trop importante mais aussi de sa possible position de monopole. L’ajout d’une cryptomonnaie sur cet empire fait craindre le pire aux gouvernements.
Facebook et ses filiales (WhatsApp, Instagram, etc.) représentent quelque 2 milliards d’utilisateurs, dans plusieurs dizaines de pays. De quoi conférer une puissance inégalée à cet instrument d’échange détenu par une entreprise privée...Au risque d’empiéter sur les monnaies des États.
"Aucune entreprise ne doit se doter d’une monnaie souveraine. La monnaie, c’est l’attribut des États et cela doit le rester", prévenait-on à Bercy en amont de la conférence du G7. La régulation de la Libra par les banques centrales sera donc sérieusement étudiée par les ministres des Finances. En effet, ce sont aux banques centrales, les organes publics qui régulent la monnaie, de préserver la stabilité financière des États, d’empêcher le blanchiment d’argent ou le financement du terrorisme. Et "Facebook devra donner des garanties sur cela", dit-on à Bercy.
Un panier de monnaies réelles pour stabiliser le cours
D’autant que la Libra de Facebook se distingue d’autres cryptomonnaies comme le Bitcoin, basé sur une blockchain publique, dans son intention de devenir un "stable coin". Pour éviter la volatilité du cours du Bitcoin, la Libra devrait reposer sur un panier de monnaies réelles, comme l’euro ou le dollar. Or, là encore, les autorités de régulation s’inquiètent. Quel risque cela fait-il courir sur ces monnaies ? Comment sera composé ce panier ?
Ces questions figurent également à l’ordre du jour des autorités américaines. Donald Trump s’est déjà fendu d’une série de tweets sur le sujet, prévenant Facebook qu’il devrait obtenir une licence bancaire pour mener à bien son projet. Les responsables de la Libra, qui ont été auditionnés par le Sénat américain mardi 16 juillet, ont assuré qu’ils se conformeraient aux réglementations. "Je veux être clair, déclare David Marcus dans son texte devant le Sénat. Facebook n’offrira pas la monnaie digitale Libra tant que nous n’aurons pas levé les inquiétudes réglementaires et reçu les approbations appropriées."
Mais ces explications de Facebook suffiront-elles ? Selon Steven Mnuchin, le secrétaire du Trésor des États-Unis, cité dans le Financial Times, les autorités de régulation ont déjà eu de multiples réunions avec les représentants de la cryptomonnaie de Facebook. Réunions qui n’ont pas permis de rassurer les autorités, qui réclament encore des détails sur le fonctionnement de la Libra.
Arnaud Dumas @ADumas5