Des milliardaires toujours plus riches. C’est ce que révèle le nouveau rapport d’Oxfam, publié à l’occasion du forum de Davos, qui se tient jusqu’au 19 janvier. Depuis 2020, les cinq plus grosses fortunes mondiales ont doublé, tandis que, dans le même temps, la richesse cumulée de cinq milliards de personnes a baissé. Des inégalités qui se manifestent également sur le climat. L’empreinte carbone des plus riches serait bien plus importante que ce qui avait été mesuré jusqu’ici.
Dans une étude publiée début décembre, deux économistes, Lucas Chancel et Yannic Rehm, ont mis au point une nouvelle méthodologie qui attribue les émissions des entreprises, généralement répercutées sur les consommateurs, à ses détenteurs, en d’autres termes à ses actionnaires. Et il apparaît que dans ce scénario, l’empreinte carbone des 10% les plus riches s’en trouve multipliée par deux voire même par trois en fonction du pays étudié.
“Concept popularisé par la firme BP”
“Dans ce ‘working paper’, nous proposons un cadre permettant de mesurer les émissions de CO2 individuelles en prenant en compte les émissions liées à la consommation, mais aussi à l’épargne et aux investissements. Oublier une dimension ou l’autre serait une erreur”, explique Lucas Chancel dans un thread sur X.
En France par exemple, l’empreinte carbone des 10% les plus riches, avec l’approche “consommateurs” est de 16 tonnes de CO2 équivalents par an et par personne en moyenne. Si l’on prend en compte les placements financiers (actions au sein d’entreprises, immobilier, fonds de pension…), alors celle-ci passe à 37 tonnes de CO2e/an et par personne en moyenne, soit 2,4 fois plus.
“L’empreinte carbone du consommateur est un concept popularisé par la firme BP dès 2004. On peut comprendre pourquoi. L’approche fait disparaître la responsabilité des firmes et de leurs actionnaires : acheter 100 000 € d’actions BP émet moins de CO2 que l’achat d’un pull en laine”, ironise Lucas Chancel.
Impôt sur la fortune climatique
Parmi les recommandations formulées par les deux économistes, il y a la nécessité d’évaluer l’empreinte carbone des produits d’investissement, ce qui n’est généralement pas fait. Il s’agit aussi d’élargir la boite à outils en ciblant mieux les sources d’émissions afin d’avoir une stratégie de réduction plus efficace. “Cela peut inclure l’interdiction de certains types d’investissements, des incitations fiscales pour des investissements verts et/ou des taxes sur les investissements ou actifs polluants”, détaillent-ils.
Oxfam de son côté appelle les États à augmenter les impôts sur les ultra-riches et plus précisément à mettre en place un impôt sur la fortune climatique pour les multimillionnaires et les milliardaires. “Il s’agit de taxer, d’une part, le niveau de patrimoine (la taille de la fortune), et d’autre part, la quantité de CO2 qu’il contient (son impact sur le climat)”, explique l’ONG.
Elle appelle aussi à réguler les multinationales alors que sept des dix plus grandes entreprises mondiales ont un PDG milliardaire ou un milliardaire comme actionnaire principal. Oxfam propose dès lors d’encadrer la part des bénéfices versés aux actionnaires ou encore de conditionner les aides publiques aux entreprises aux investissements dans la transition.