Publié le 09 avril 2021
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
En pleine crise économique et sociale, les États-Unis militent pour une taxe mondiale sur les multinationales
Janet Yellen, la secrétaire du Trésor américain, veut lutter contre l’optimisation fiscale des grands groupes, estimée à 240 milliards de dollars annuels par l’OCDE. Elle appelle les pays du G20 à travailler sur un montant minimum d’imposition des multinationales pour permettre aux pays de financer leurs infrastructures et de se remettre de la crise du Covid. Elle signe aussi le retour des États-Unis sur la scène des négociations internationales.

@CCO
Les États-Unis semblent bien décidés à taxer un peu plus les entreprises. Janet Yellen, la secrétaire du Trésor américaine, l’a clairement affirmé lors d’une conférence organisée par le Chicago council of global affairs, un think-tank américain. "Il est important de travailler avec les autres pays pour mettre fin aux pressions de la concurrence fiscale et de l’érosion de l’assiette fiscale des sociétés", explique la nouvelle ministre des Finances des États-Unis. Elle appelle les pays du G20 à travailler ensemble sur un taux d’imposition minimum pour les entreprises qui permettrait d’arrêter "la course vers le bas" en matière de taux d’imposition.
Beaucoup de grandes multinationales sont en effet devenues expertes dans les pratiques d’évitement de l’impôt. En utilisant les failles des différents systèmes fiscaux des pays où elles opèrent et en faisant atterrir une grande partie de leurs bénéfices dans les paradis fiscaux où ils ne sont pas imposés, certaines finissent par ne payer que très peu d’impôt. Les grands groupes du numérique, comme Google, Amazon ou Apple, sont particulièrement visés et font l’objet d’un projet de taxation du numérique.
240 milliards de dollars par an
L’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) calcule que près de 240 milliards de dollars s’évaporent tous les ans du fait des pratiques fiscales des multinationales. Les pays du G20 cherchent depuis de nombreuses années à harmoniser les règles fiscales pour mettre la main sur le magot. Dès 2012, ils ont lancé le projet BEPS (en français : érosion de la base fiscale et transfert des bénéfices) pour tenter d’y remédier. Aujourd’hui, 135 pays travaillent dessus, sans qu’un accord définitif ne soit encore trouvé.
Les déclarations de Janet Yellen ne sont pas anodines. Pendant la présidence de Donald Trump, les États-Unis ont eu tendance à faire cavalier seul sur la scène international. Le gouvernement de Joe Biden entend au contraire revenir dans la course et réaffirmer une forme de leadership américain. "L’Amérique est plus forte quand nous nous impliquons dans le monde", indique ainsi la secrétaire au Trésor.
Financer la relance
La question est d’autant plus urgente qu’en pleine crise sanitaire et économique, les pays doivent trouver les ressources pour financer la relance. États-Unis en tête, après avoir annoncé un nouveau plan de plus de 2 000 milliards de dollars pour financer de nouvelles infrastructures. Comme le rappelle Janet Yellen, une fiscalité juste "assure aux gouvernements des systèmes fiscaux stables qui génèrent suffisamment de revenus pour investir dans des biens publics essentiels et répondre aux crises".
Les États-Unis commencent d’ailleurs par réviser leur propre système fiscal. Joe Biden a ainsi annoncé vouloir augmenter le taux d’impôts sur les sociétés de 21 à 28 %, notamment pour financer son plan d’investissement. Il avait d’ailleurs directement cité Amazon comme étant passé maître dans l’évitement fiscal, aux côtés de 90 autres entreprises du Fortune 500 qui ne payent aucun impôt.
A message from Jeff Bezos. https://t.co/ZAcpnaRu6z pic.twitter.com/81AkgVyQke
— Amazon News (@amazonnews) April 6, 2021
Jeff Bezos, fondateur d’Amazon qui vient récemment d’en quitter la direction générale, ne s’en est apparemment pas offensé. Dans une déclaration sur Twitter, il indique soutenir l’augmentation du taux d’impôt. "Nous soutenons la vision de l’Administration Biden de faire des investissements audacieux dans les infrastructures américaines", écrit-il, admettant que ces investissements nécessiteront de faire des concessions notamment sur les impôts. Peut-être un signe que les temps changent…
Arnaud Dumas, @ADumas5