Publié le 21 juin 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Sous la pression des investisseurs, le PDG d'Uber Travis Kalanick démissionne
[Mise à jour le 21 juin] Travis Kalanick, le patron d'Uber, démissionne définitivement de son poste, poussé par la sortie par plusieurs gros investisseurs. Il est entre autres accusé d’avoir laissé proliférer une culture sexiste dans l’entreprise. Le 13 juin, c’est David Bonderman, administrateur de la plateforme VTC, qui avait été poussé à la démission à la suite d’une blague sexiste.

Ce sera finalement définitif. Le PDG d'Uber, Travis Kalanick, avait annoncé mardi 13 juin se retirer provisoirement de ses fonctions, officiellement pour "prendre du repos". Une semaine plus tard, mardi 20 juin, la plateforme de réservation de voitures avec chauffeur, annonce la démission de son co-fondateur. "En se mettant ainsi à l'écart, il donne une chance à l'entreprise de s'engager entièrement dans un nouveau chapitre de son histoire", écrit le groupe dans un communiqué qui précise que Travis Kalanick pourrait néanmoins continuer à siéger au conseil d'administration.
Le désormais ex-patron d'Uber est accusé d’avoir laissé s’installer une culture sexiste au sein de l’entreprise. "J'ai accepté la demande de mise à l'écart émise par un groupe d'investisseurs", a affirmé Travis Kalanick dans sa lettre d'adieu. Selon le New York Times Benchmark, First Round Capital ou encore Menlo Venture ont effectivement demandé la démission de Travis Kalanick.
Licenciements et démissions en série
Le 6 juin, il avait tenté de redresser la barre en débarquant 20 salariés, après le dépôt, de plus de 215 plaintes en interne liées à de la discrimination, du harcèlement sexuel ou encore des comportements déplacés. Elles émanaient principalement du siège de l’entreprise, à San Francisco.
Mais entre temps, une autre polémique est venue entachée un peu plus la réputation du groupe. Alors que le conseil d’administration présentait le 13 juin les résultats de l’enquête interne sur le sexisme dans l’entreprise, David Bonderman, membre du comité, s'est permis une blague déplacée. Ariana Huffington, une des administratrices d'Uber était en train d'expliquer les avantages d'embaucher d'autres femmes pour créer un effet d'entraînement. "Cela accroît surtout le risque de bavardage", lui a rétorqué l’administrateur. Le soir même, il présentait ses excuses et annonçait sa démission.
Le témoignage qui a provoqué le lancement d’une "enquête urgente"
C'est en février que Travis Kalanick avait décidé d'ouvrir une "enquête urgente", à la suite des accusations de sexisme proférées par une ancienne employée du groupe. Susan Fowler, ingénieure, avait publié un long post très partagé dans lequel elle racontait son "horrible" expérience au sein de la firme. Victime d’une proposition à caractère sexuel le premier jour de sa prise de fonction en 2015 par son supérieur, puis de comportements et commentaires sexistes tout au long de l’année, Susan Fowler avait signalé ces abus aux ressources humaines de l’entreprise qui lui avaient répondu : "il s’agit clairement d’un cas de harcèlement sexuel mais c’est la première infraction de cet homme au "performance élevée".
Aucune sanction n’avait été prise. Susan Fowler avait par ailleurs découvert que d’autres salariées avaient dénoncé ce supérieur et que les ressources humaines leur avaient fourni la même réponse. "Lorsque j’ai commencé à travailler pour Uber, il y avait 25% de femmes, elles n’étaient plus que 6% lorsque j’ai quitté le groupe un an plus tard", racontait-elle, pointant le sexisme systémique au sein de l'entreprise.
Travis Kalanick avait très vite réagi dans un tweet : "Ce qui est décrit ici est abominable et contraire à toutes nos valeurs. Quiconque se comporte de cette manière, ou pense que c’est OK, sera renvoyé".
1/ What's described here is abhorrent & against everything we believe in. Anyone who behaves this way or thinks this is OK will be fired. https://t.co/6q29N7AL6E
— travis kalanick (@travisk) 20 février 2017
Embauche de deux expertes
Le licenciement de 20 salariés annoncé mardi 6 juin, avant même les résultats complets de l’enquête du cabinet d’avocats Perkins Coie, se voulait un signal fort. Et ce n’était pas le seul. Le même jour, le fondateur d’Uber a annoncé l’embauche de deux femmes pour palier la mauvaise réputation de l’entreprise : Bozoma Saint John, qui avait pris les rênes d’ITunes et Appel Music, et, d’après Le Monde, de Frances Frei, professeure à Havard et spécialiste du Marketing.
Rappelons que le 28 février, Amit Singhal, le vice-président chargé du secteur technique d’Uber, en poste depuis un mois, avait été poussé à la démission pour avoir caché à son employeur avoir fait l’objet d’une enquête internet pour harcèlement sexuel alors qu’il travaillait chez Google.
Marina Fabre @fabre_marina