Publié le 23 mai 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Affaire Hanouna : les annonceurs craignent pour leur réputation
Petit Navire, Channel, Bosch, Disney, Groupama... Ils sont des dizaines d'annonceurs à boycotter l'émission "Touche pas à mon poste", animée par Cyril Hanouna, à la suite d'une séquence homophobe diffusée le 18 mai. L'impact réputationnel et financier pourrait s'avérer lourd pour C8, chaîne du groupe Bolloré dont la responsabilité sociétale est engagée. Les sponsors refusent d'être associés à ce risque.

C’est un boycott qui pourrait coûter cher à C8. Plusieurs annonceurs ont décidé, lundi 22 et mardi 23 mai, de ne plus sponsoriser l’émission "Touche Pas à Mon Poste", animée par Cyril Hanouna. Jeudi 18 mai, l’animateur a piégé des homosexuels avec une fausse petite annonce, publiée sur le site VivaStreet, site mis en cause pour proxénétisme de jeunes mineures. Il a diffusé, en direct, les appels des personnes intéressées. Prenant des attitudes caricaturales, l’animateur a humilié les répondants sans préserver leur anonymat.
Plus de 20 000 plaintes ont été déposées auprès du CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel), après cette séquence. Un record absolu comparé aux 36 000 plaintes reçues sur l’ensemble de l’année 2016. La réputation de la chaîne et de son propriétaire, le groupe Bolloré, est en jeu. Preuve en est, des dizaines d'annonceurs refusent désormais d'être associés à l'émission.
Un effet boule de neige
"Petit Navire tient à préciser qu’il ne cautionne en aucun cas tout propos discriminatoire ou humiliant. Dans ce contexte, la marque a stoppé sa campagne actuelle de sponsoring de l’émission", a expliqué la société à BuzzFeed News. Même démarche pour la marque d’électroménager Bosch qui annonce "arrêter la publicité digitale et télé en cours et à venir pour cette émission". En quelques heures, c’est un véritable effet boule de neige. Des groupes comme PSA, Groupama, Orange, se sont à leur tour mis à l'abris du scandale.
@ParisPasRose @CHANEL @BoschFrance Bonjour, conformément aux valeurs de @GroupePSA, Peugeot, Citroën & DS suspendent leurs investissements publicitaires sur ce créneau horaire
— Groupe PSA (@GroupePSA) 22 mai 2017
Pringles est contre toute forme de discrimination. Pour cette raison, nous suspendons notre présence publicitaire lors des émissions TPMP
— Pringles France (@Pringles_FR) 23 mai 2017
Conformément aux valeurs d'@Orange_France nous suspendons toutes nos publicités diffusées sur le créneau horaire de l'émission #TPMP
— Orange France (@Orange_France) 22 mai 2017
Le PMU a suspendu ses publicités autour de l'émission #TPMP et, conformément à ses valeurs, condamne tout propos discriminatoire.
— PMU (@_PMU) 23 mai 2017
Conformément aux valeurs de @GroupeGroupama, le groupe a décidé de suspendre toutes publicités diffusées sur le créneau de l'émission #TPMP
— Groupe Groupama (@GroupeGroupama) 23 mai 2017
Du jamais vu, même pour l'émission "Touche Pas à Mon Poste" pourtant habituée aux excès et critiquée pour la diffusion de séquences sexistes. En octobre, le chroniqueur Jean-Michel Maire avait embrassé le sein d’une jeune femme, sans son consentement. Une agression sexuelle en bonne et due forme. Le CSA avait alors reçu des centaines de plaintes.
Un réel enjeu financier
Pour le groupe Bolloré, l’impact va être très lourd. Le CSA peut décider l’interruption temporaire de l’émission et infliger une amende allant jusqu’à 3% du chiffre d’affaires, soit 4 millions d’euros si elle est calculée sur l’année 2015. Une condamnation possible mais qui semble très difficile à mettre en place. Dans un communiqué, publié le 23 mai, le CSA souligne qu'il "apparaît nécessaire de faire évoluer le cadre juridique de la procédure afin de la rendre plus efficace et plus conforme aux impératifs de nos missions". Un aveu d'impuissance face à une chaîne qui a déjà fait l'objet de deux mises en demeure pour "méconnaissance du respect de la dignité humaine et encouragement à un comportement discriminatoire".
Le boycott des annonceurs peut lui massivement grever les revenus publicitaires. À lui-seul, Cyril Hanouna génère, selon le site Capital, 40 millions d’euros de recettes par an.
Ce n'est pas la première fois que les choix télévisuels de Vincent Bolloré posent problème. En octobre 2016, plusieurs annonceurs avaient également décidé de s'éloigner de la chaîne CNews suite à l’arrivée du présentateur Jean-Marc Morandini, mis en examen pour corruption aggravée sur mineurs. "Seulement, dans le cas de Jean-Marc Morandini, l’enjeu financier n’était pas énorme", explique au Figaro Philippe Nouchi, directeur de l’expertise médias de Publicis. "Là, il s’agit du principal produit d’appel de la régie de Canal +".
Une affaire qui en dit long sur la responsabilité sociétale d’entreprise (RSE) du groupe Bolloré. Ciblé depuis longtemps pour les conditions de travail dans "ses plantations", Vincent Bolloré est désormais pris à parti sur le contenu de "ses antennes". Tant que les audiences étaient au rendez-vous et les annonceurs satisfaits, le patron du groupe et son équipe défendaient sans ciller les dérapages de Cyril Hanouna. Une attitude que la société juge désormais irresponsable.
Marina Fabre, @fabre_marina