Publié le 23 août 2017
GOUVERNANCE D'ENTREPRISE
Risque sur la concurrence : L’Union européenne lance une enquête sur la fusion de Bayer et Monsanto
La Commission européenne vient d'annoncer le lancement d'une enquête approfondie sur la fusion entre Monsanto, géant des semences, et Bayer, spécialiste de la pharmacie et de l'agrochimie. Elle craint que ce rachat contrevienne aux règles de concurrence de l'Union européenne et mène à des "prix plus élevés, une qualité inférieure, moins de choix et moins d'innovation".

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C’est le plus gros rachat effectué par un groupe allemand. En septembre 2016, le géant de la pharmacie et de l’agrochimie Bayer, a annoncé le rachat de l’américain spécialiste des semences OGM Monsanto pour 66 milliards de dollars (59 milliards d’euros).
Cette fusion doit cependant encore être approuvée par la Commission européenne. Le 22 août, Bruxelles a annoncé dans un communiqué le lancement d'une enquête approfondie sur ce rachat qui pourrait présenter des risques sur la concurrence. Pour cause : cette fusion créerait la plus grande entreprise de pesticides et semences au monde.
"Des prix plus élevés, une qualité inférieure, moins de choix, moins d’innovation"
Les deux groupes avaient déjà, le 31 juillet, été interrogés par la Commission mais leurs "engagements étaient insuffisants pour écarter clairement les doutes sérieux quant à la compatibilité de la transaction avec le règlement européen", indique Bruxelles.
Concrètement, la commission craint que cette acquisition réduise la concurrence sur plusieurs marchés différents et se traduise par "des prix plus élevés, une qualité inférieure, moins de choix et moins d’innovation". Or, "les semences et les produits pesticides sont essentiels pour les agriculteurs et finalement les consommateurs", assure Margrethe Vestager, commissaire européen chargée de la politique et de la concurrence.
Plus aucune alternative au glyphosate
L’inquiétude porte sur plusieurs domaines. D’abord, sont visés les pesticides et, en particulier, le glyphosate, agent actif du Roundup, l'herbicide le plus vendu au monde. Commercialisé par Monsanto, il est classé cancérogène probable par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Or Bayer, concurrent de Monsanto, commercialise "une des rares alternatives au glyphosate", le glufosinate d’ammonium. Ce rachat, limitant la concurrence, freine donc le développement de nouveaux ingrédients actifs, de nouvelles formulations.
De même, Monsanto est le numéro un européen sur le marché des graines de colza, et Bayer le numéro un mondial. Une fusion serait donc synonyme de perte de compétition.
Le développement de semences tolérantes aux pesticides de Monsanto
Au-delà de la concurrence, les ONG ont alerté la Commission des menaces sur la santé et l’environnement que génère cette fusion. Beaucoup craignent que l’alliance entre les semences de Monsanto et la chimie de Bayer provoque une spécialisation de la recherche sur des variétés tolérantes aux pesticides produits par le géant américain. Une méthode déjà employée par Monsanto qui a adapté ses semences transgéniques à l’utilisation du Roundup. Un piège pour beaucoup d’agriculteurs qui ne peuvent plus cultiver sur leurs terres des semences qui ne sont pas "Roundup ready" (adaptées au Round Up).
Mais Bruxelles le rappelle : son but est d’évaluer la fusion uniquement du point de vue de la concurrence. Elle devrait rendre sa décision le 8 janvier prochain. Rappelons que la Commission avait déjà entamé des démarches similaires pour la fusion de Dow et DuPont et celle de Syngenta et ChemChina. À l’issue des enquêtes, les deux rapprochements avaient été validés.
Marina Fabre @fabre_marina